Par Yves Miserey

Au lieu de combattre le virus, une équipe française a trouvé le moyen d'empêcher la destruction des cellules infectées dans les poumons.

La grippe fait chaque année entre 2000 et 4000 morts en France et plus de 500.000 morts dans le monde. «Dans la forme grave de la maladie, les patients succombent parce que le virus déclenche chez eux une cascade de réactions immunitaires. Elles produisent une inflammation au niveau des poumons qui va jusqu'à détruire les alvéoles pulmonaires», explique Bruno Lina, responsable du Centre national de référence de la grippe à Lyon. Plusieurs études ont montré qu'il y a une très forte corrélation entre le degré d'inflammation et la mortalité. En 2009, c'est ce qui s'est produit avec le virus H1N1 et le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) qui touchait des sujets jeunes et en bonne santé, nécessitant une assistance respiratoire en service de réanimation.

Pour empêcher l'évolution parfois fatale des formes graves de la grippe, une équipe de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et de l'université Claude-Bernard à Lyon a identifié et utilisé une molécule capable de bloquer l'emballement du système immunitaire et d'aboutir à la guérison. Leur étude a été publiée en ligne le 3 décembre dans la revue The Journal of Clinical Investigation.

Nouvelle stratégie thérapeutique

La nouvelle molécule a été testée avec succès chez la souris contre plusieurs souches virales: des virus H1N1, H3N2 (à l'origine de la grippe saisonnière), H5N1 hautement pathogènes ainsi que des virus pandémiques H1N1 devenus résistants à l'oseltamivir (Tamiflu). Et ce, même trois jours après l'inoculation. Un essai chez l'homme est en cours aux Hospices de Lyon.

«Avoir une nouvelle stratégie thérapeutique est devenu une nécessité», souligne Béatrice Riteau, de l'université Claude-Bernard, qui a piloté l'étude. En effet, les deux seuls antigrippaux actuellement sur le marché - le Tamiflu et le Relenza - s'attaquent directement au virus. En inhibant les neuraminidases, des enzymes clés des virus grippaux, ils permettent de réduire la durée de l'infection et sa gravité. Mais leur efficacité est limitée. D'une part, parce que les virus de la grippe mutent très vite et qu'on ne sait jamais si les médicaments seront efficaces contre une nouvelle souche hautement pathogène. D'autre part, ces pathogènes peuvent très rapidement développer des formes de résistance aux deux molécules.

Enfin, l'efficacité du Tamiflu est contestée. Le mois dernier, le British Medical Journal a accusé le laboratoire Roche qui le produit de ne pas avoir communiqué les résultats des essais cliniques sur l'homme censés avoir démontré son action. Plutôt que de se lancer dans une course aux armements contre le virus, les chercheurs lyonnais ont étudié ce qui se passe dans les cellules infectées.

En analysant le développement de la maladie chez la souris, ils ont identifié un récepteur cellulaire (Par 1), impliqué dans les réactions immunitaires. En administrant une molécule antagoniste aux animaux grippés, non seulement le processus inflammatoire a été inhibé, mais la multiplication des virus a été arrêtée. «Le résultat est très prometteur», se félicite Bruno Lina. Un brevet a été déposé mais il faudra encore attendre avant de «pouvoir venir à bout d'une grippe sévère avec trois pschitt dans le nez», comme le rêve déjà Béatrice Riteau.