Face aux critiques essuyées par le dépistage actuel, l'IRM suscite un intérêt croissant de la part des spécialistes.

Le débat a fait salle comble lors du Congrès international de radiologie, à Chicago, fin novembre. Devant les limites des méthodes actuelles de dépistage du cancer de la prostate, qui conduisent trop souvent à des opérations inutiles, la solution résiderait-elle dans un recours plus précoce et systématique à l'IRM? Le protocole actuel prévoit, en cas de taux de PSA élevé et/ou d'anomalie découverte lors de l'examen clinique (toucher rectal), de procéder à une biopsie de la glande. Mais ces prélèvements, invasifs et inconfortables, ne sont pas fiables à 100 %. La perspective d'un dépistage incluant d'emblée une IRM, ­indolore, sans risque et désormais plus performante, pourrait être plus séduisante, du fait d'une précision accrue.

Le débat sur l'utilité du dépistage du cancer de la prostate tel qu'il est pratiqué actuellement est un serpent de mer. Dans les faits, près de la moitié des hommes de plus de 50 ans ont des foyers microscopiques de cellules cancéreuses. Mais la grande majorité de ces lésions évolueront très peu et la plupart des hommes mourront de vieillesse ou d'une autre pathologie. Pourtant, sur 70 000 cancers diagnostiqués chaque année, les chirurgiens français réalisent encore 22 000 prostatectomies. Un nombre bien trop élevé au regard du bénéfice escompté et des effets indési­rables (incontinence et troubles de l'érection) que ce traitement entraîne parfois.

Mobiliser la profession

Les radiologues mettent en avant les progrès réalisés dans le domaine de l'imagerie afin de plaider pour une révision des pratiques. «Depuis quatre ou cinq ans, nous avons amélioré la détectabilité des tumeurs de la prostate grâce à des techniques d'IRM fonctionnelles: l'IRM de perfusion permet de repérer les zones très vascularisées, notamment les tumeurs, tandis que l'IRM de diffusion permet de distinguer les tissus de nature cancéreuse», explique le Pr Nicolas Grenier, radiologue au CHU de Bordeaux et membre du bureau de la Société française de radiologie (SFR). Pour lui, la place de l'IRM dans le dépistage va mobiliser la profession pendant les années à venir. «Il y a un fort mouvement de la part des experts américains et européens en faveur d'une détection primaire par IRM en même temps que le toucher rectal et le taux de PSA, constate-t-il. Mais on a encore besoin de conduire des études, comme celles en cours aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour déterminer si cette IRM avant la biopsie permet de détecter tous les cancers évolutifs et de réduire la mortalité, en évitant les surtraitements.»

La réflexion sur l'utilité de cette évolution est d'autant plus importante qu'au coût de l'IRM s'ajoute, en France, une autre contrainte très pragmatique: la rareté des appareils permettant d'effectuer ces examens. «Avec à peine 10 machines par million d'habitants, nous sommes les mauvais élèves de l'Europe, loin derrière la moyenne du continent (20 machines/million) et plus encore des États-Unis», déplore Éric de Kerviler, professeur en radiologie à l'hôpital Saint-Louis à Paris.

De l'avis de Peter Choyke, directeur du service d'imagerie moléculaire au Centre américain pour la recherche sur le cancer, qui animait la session dédiée à ce sujet, la solution pourrait résider dans la mise au point d'un nouvel examen, réduit aux séquences les plus pertinentes, à savoir une morphologique et une de diffusion. «Cela permettrait de réduire la durée de l'examen à 10 minutes (contre 30 habituellement, NDLR)», explique-t-il au Figaro.

«Pour l'instant, l'IRM n'a d'utilité que positive, c'est-à-dire quand elle confirme la présence d'une anomalie avant la biopsie et permet de mieux cibler l'intervention, nuance toutefois le Pr Marc Zerbib, chef du service d'urologie à l'hôpital Cochin à Paris. Elle ne permet toujours pas d'écarter le risque en l'absence de traces à l'image