La maison des Hobbits, l'habitat du futur ?
Par Benje le dimanche, décembre 30 2012, 19:18 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Lovée dans la terre, une maison aux courbes douces, écologique, confortable et lumineuse pour un prix modique. Un doux rêve en passe de devenir réalité.
"Dans un trou vivait un Hobbit"... Ainsi commence la célèbre histoire de Bilbo le Hobbit narrée par Tolkien.
Et si demain notre habitat ressemblait à celui de ces petits
personnages ? Une maison enterrée et confortable qui s'intégrerait
harmonieusement dans le paysage et vous mettrait à l'abri de tous les
changements climatiques annoncés. Crises écologique, économique et
énergétique obligent, la culture troglodyte fait son grand retour et
l'habitat enterré ou semi-enterré pourrait émerger comme une tendance
durable. Très discrètement, les maisons protégées par la terre font des
émules ici et là. Et les projets fleurissent. Finies les factures de chauffage Cette idée d'habiter la terre n'est pas vraiment nouvelle. C'est à la
fin des années 60 que l'architecte Malcolm Wells développe ce concept.
D'après lui, toute construction provoque un traumatisme pour
l'environnement et la maison idéale devait se fondre dans le paysage,
consommer ses propres déchets, suivre le rythme de la nature, résister
aux intempéries tout en étant belle. Tout un programme, encore loin de
nos schémas actuels. "Nous vivons dans une ère de bâtiments fastueux et
de la maison trophée : grosse, laide, arrogante... Peu d'entre nous
réalisent qu'il y a une méthode douce de construire", jugeait-il. Ce type d'habitation présente en réalité énormément d'atouts : elle
permet de limiter au maximum le chauffage - voire de s'en passer - en
utilisant les qualités thermiques de la terre, dont la température
constante est d'environ 13 °C. Aux beaux jours, le soleil pénètre dans
la maison et la chaleur est absorbée vers la terre qui la restitue en
hiver. La maison se chauffe ainsi dès l'automne avec l'énergie de l'été.
Si les premières maisons enterrées étaient complexes, coûteuses et peu
esthétiques, quelques visionnaires ont fait progresser la technique.
Ainsi, dans les années 1980, en pleine période de choc pétrolier, John
Hait, un physicien américain, a optimisé la température de la maison et
sa protection contre l'humidité en développant une jupe isolante faite
de bâches en plastique et de plaques en polystyrène. Comme un parapluie,
elle empêche l'eau de s'infiltrer dans la terre entourant la maison. Solidité
Patrick Baronnet, précurseur de la maison écologique et autonome
depuis quarante ans, s'avoue séduit, mais s'interroge : "L'idée
d'utiliser l'inertie de la terre est prometteuse, mais la mise en œuvre
paraît onéreuse et peu écologique. Cela nécessite des heures de
tractopelle, qui consomme 70 litres d'essence par heure ! De plus, pour
éviter l'éboulement, il faut une infrastructure très solide. Avec les
toitures végétales très à la mode actuellement, quand il pleut, la
charge de rétention d'eau est énorme et amène des complications." Une crainte que Philippe Delage a balayée : ce patron de PME a lancé
son chantier au printemps dernier à Montgivray dans l'Indre. Depuis de
longues années, il rêvait d'une maison bulle en voile de béton dans la
lignée d'Antti Lovag, l'architecte du Palais Bulles de Pierre Cardin
près de Cannes. Au fil des rencontres, il a décidé d'intégrer sa maison
au paysage en la recouvrant de terre et d'utiliser la méthode du
parapluie. Ce sera une des premières maisons à conjuguer ces techniques
en France. Une vraie maison de Hobbit !
Nul doute que Tolkien a également inspiré Antoine Strauss, jeune
génie de 23 ans, pour sa future maison : enterrée, tout en rondeur,
belle, lumineuse, mais surtout confortable et autonome - un prototype
ouvert au public est prévu pour septembre 2013. Antoine a déjà réalisé
une première maison "brouillon" comme il l'appelle. Un brouillon plutôt
convaincant d'après ses visiteurs : en six mois, il a bâti tout seul une
bulle de 35 m2, enroulée dans la terre, ne nécessitant aucun chauffage
et isolée de l'humidité, le tout avec 3 000 euros ! Son plan en poche,
Antoine sillonne les États-Unis
à la rencontre des visionnaires de l'habitat, issus de trois courants
qu'il veut réunir : les maisons bulles, les maisons enterrées et les
maisons écologiques. "J'ai simplement repéré de brillantes idées de
différentes techniques que je réunis, précise-t-il. Le cabinet
californien Binishells, qui compte parmi ses adeptes des célébrités,
vient d'accepter de me prêter main-forte pour construire mon prototype
français." Dans la lignée des maisons bulles, les maisons Binishells ont des
allures futuristes avec leur dôme en voile de béton. Elles utilisent une
technologie écologique innovante qui permet de se passer de grues et de
coffrages, grâce à de l'air propulsé. C'est donc cette technique
qu'Antoine va coupler à l'habitat enveloppé par la terre. Il y voit
plusieurs intérêts : double résistance procurée par le voile de béton et
la forme ovale, rapidité de la technologie (deux jours pour créer la
structure) et faibles coûts. "On creuse, on fait une dalle, on souffle
une coque, puis on protège la maison avec la terre, on intègre la
technique du parapluie et on laisse l'herbe pousser. C'est très simple,
rapide et trois à cinq fois moins cher qu'une maison classique", résume
le jeune entrepreneur. Et d'ajouter : "Il y aura une serre, avec de
nombreux usages : production de chaleur, d'oxygène et de nourriture,
zone tampon, jardin privatif, traitement de l'eau... Et il n'y aura plus
de factures d'électricité grâce à des panneaux photovoltaïques ou en
utilisant les calories de la terre ; ni de factures d'eau, grâce à un
système de récupération." Un bien joli conte, que n'aurait pas renié
Tolkien.