Eric Schaerlig

La correction ou la prévention de certains troubles liés à l'âge, comme la perte progressive du tonus musculaire ou l'ostéoporose, pourraient bénéficier d'une étude qu'entreprend actuellement l'Agence spatiale européenne (ESA) à Toulouse. Au cours de cette expérience médicale insolite, douze volontaires vont être cloués au lit durant 3 semaines, à trois reprises d'ici octobre 2013.

La réduction de la force musculaire, tout comme la baisse de la densité osseuse provoquant l'ostéoporose, sont des phénomènes qui surviennent progressivement à partir d'un certain âge.

Or, ces troubles ressemblent beaucoup à ce dont souffrent les astronautes en état d'apesanteur, bien que dans l'espace ils soient considérablement plus marqués. D'où l'intérêt de l'ESA, qui voudrait bien –dans la perspective de vols habités de longue durée– trouver des parades efficaces contre ces manifestations physiologiques, tout en aidant à définir des méthodes préventives dont nous pourrions tous bénéficier un jour indirectement.

C'est ainsi que les douze volontaires sélectionnés par le Medes, l'institut toulousain spécialisé dans ce genre d'études de physiologie humaine, devront rester alités durant toute l'expérience, la tête légèrement plus basse que les pieds, avec interdiction absolue de se lever!

Même pour faire leurs besoins naturels, ou pour leur toilette, un système extrêmement ingénieux ayant été mis au point pour qu'ils disposent d'une salle de bain spéciale, une sorte de gros bac dans lequel ils peuvent être douchés tout en restant dans leur position couchée légèrement inclinée

Divisés en trois groupes de quatre, ils seront soumis à des protocoles différents, susceptibles de faire toute la lumière sur ces troubles liés au vieillissement ainsi qu'à l'absence de pesanteur. Ces protocoles devraient surtout permettre de faire entrevoir des parades efficaces applicables aussi, sur terre, au commun des mortels.

Comme des culturistes

Tous les volontaires devront rester en position couchée sur un lit incliné vers l'arrière avec un angle de 6 degrés. Ce sera la seule contrainte imposée à un premier groupe de quatre participants, qui constituera le groupe de référence. Le deuxième groupe devra en plus se prêter à des exercices physiques spécifiques, sortes de contre-mesures dont on espère un bénéfice en termes de tonus musculaire. Quant aux quatre volontaires du dernier groupe, qui feront les mêmes exercices physiques, ils seront en outre alimentés avec un régime spécial enrichi en protéines.

En effet, alors que tous les volontaires bénéficieront d'un régime de base équilibré dont l'apport calorique sera strictement calculé et dont les composants (en protéines, glucides, et lipides) seront méticuleusement pesés à chaque repas, ceux du troisième groupe se verront offrir un régime alimentaire très spécial. Leur alimentation sera enrichie de protéines de petit-lait, les célèbres protéines de lactosérum auxquelles ont recours les adeptes du body-building et de la musculation à outrance, les «whey protéines» bien connues des culturistes.

Alors qu'on estime que le corps a besoin chaque jour d'un gramme de protéine par kilo de poids corporel, ces volontaires se verront administrer une quantité presque deux fois plus élevée. C'est pourquoi on leur servira aussi du bicarbonate de potassium, pour éviter qu'il en résulte une acidification du sang qui risquerait d'augmenter la déminéralisation de leur squelette.

Jusqu'en octobre 2013

Cette expérience originale, qui pourrait bénéficier un jour aux personnes âgées qui souhaitent rester en forme le plus longtemps possible, se répètera trois fois, à 4 mois d'intervalle.

C'est ainsi qu'après la première période achevée à fin 2012, une deuxième phase d'expérience surviendra en avril-mai 2013, et une troisième en octobre.

En outre, afin d'augmenter la valeur de cette étude, chaque volontaire fera successivement partie du groupe de contrôle, du groupe «exercice physique», et du groupe «exercice physique plus complément alimentaire».

Les conclusions de cette expérience ne seront tirées qu'à fin 2013 au mieux, mais les médecins en attendent beaucoup. On verra si l'administration d'une alimentation de même nature, avec ou sans stimulation physique de musculation, a des chances de limiter la perte de masse musculaire chez les personnes âgées.

Pour valider leurs conclusions, les médecins soumettront les douze volontaires à une impressionnante batterie de mesures et de tests. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ces douze individus –auxquels la collectivité sera certainement un jour redevable– n'auront guère une vie facile pendant les trois fois trois semaines qu'ils passeront au lit.

Eveillés de 8 heures à 22 heures, ils seront en permanence entre les mains des scientifiques et des médecins.

Examens médicaux continus

Des séances de plusieurs heures d'imagerie par résonance magnétique (IRM) permettront par exemple de suivre l'évolution du volume musculaire de leurs membres inférieurs, de même que la santé des cartilages de leurs genoux.

En parallèle, plusieurs enregistrements en continu de leur activité cardiaque, sur 24 heures, complèteront les analyses de sang effectuées quasi quotidiennement, et dans lesquelles les médecins chercheront à déceler toute variation du métabolisme.

En ce qui concerne enfin la masse osseuse, et bien que la durée relativement courte de l'expérience ne puisse pas promettre des enseignements définitifs, on procèdera tout de même à un suivi régulier des marqueurs osseux, alors que quelques images de scanner permettront de déceler, s'il y a lieu, toute modification de la microarchitecture des os.

Pour garder la forme, les personnes âgées devront-elles un jour s'alimenter comme certains des participants à cette expérience toulousaine, et ingurgiter ce qui est aujourd'hui l'apanage des body-builders? Devront-elles se livrer à des exercices physiques similaires, peut-être à l'aide d'équipements qui pourraient être spécialement développés à la suite de cette étude?

La réponse sera certainement plus complexe, et plus nuancée. Mais nul doute que l'expérience originale menée actuellement à Toulouse contribuera à une meilleure prévention des troubles dus à l'âge.