VIDÉO - La Semaine du son dénonce le bruit dans les lieux publics et les transports collectifs.

Gare du Nord, 8 heures du matin, dans la grande verrière qui surplombe les voies des trains de banlieue et des RER en sous-sol. Un RER vient sûrement d'arriver: un flot de personnes émerge des escalators et se hâte vers l'extérieur. Le sonomètre de Christian Hugonnet, ingénieur acousticien et président de la Semaine du son (*), affiche près de 80 décibels (dB), le bruit au bord d'une autoroute. Dans les trains et dans le métro, on ne passe jamais au-dessous de la barre des 70 dB.

Peu à peu, la foule tarit. L'impression est étrange: il n'y a plus de source sonore visible mais il y a pourtant encore beaucoup de bruit. Le sonomètre affiche 70 dB, le niveau sonore d'un moteur de camion. Mais, ici, la rumeur est diluée dans l'immense verrière. «On est dans une sorte de brouillage sonore. On ne sait pas d'où viennent les sons, ils sont complètement délocalisés», analyse Christian Hugonnet. «Toutes les parois (verre et métal) sont réfléchissantes. Il n'y a pas un centimètre carré de matière absorbante.» Pour pouvoir se parler, il faut crier (plus de 80 dB). Il est d'ailleurs frappant de constater que les rares personnes qui passent sont silencieuses.

Au bout d'une demi-heure dans le gigantesque hall, on se sent un peu hagard et fatigué. «Nous n'enregistrons pas de plainte pour le bruit dans les gares et les transports. Les gens le supportent car ils sont là de façon transitoire», indique Valérie Rozec, psychologue au Centre d'information et de documentation sur le bruit (CIDB). Même constat à Bruitparif, l'Observatoire du bruit en Ile-de-France. «Les gens portent plainte quand ils sont dérangés par le bruit chez eux, là où ils vivent», souligne Julie Nouvion, présidente de Bruitparif.

Résultat, faute d'aménagements acoustiques, beaucoup de gares et de lieux publics sont extrêmement bruyants. «On a l'impression que ça n'intéresse personne», dénonce Christian Hugonnet. «Il existe pourtant des moyens efficaces et pas forcément très coûteux pour limiter la réverbération à l'intérieur des bâtiments publics

Des haut-parleurs directionnels

À la SNCF, on a un autre point de vue. «Le premier confort pour le public, c'est l'intelligibilité des annonces. Il y a deux solutions pour cela: avoir une sonorisation de qualité et des bâtiments pas trop réverbérants. Il faut arriver à faire une balance entre les deux», assure Franck Poisson, de la direction de la recherche à la SNCF.

Les messages sonores en gare sont très importants. «Le client est très réactif à la voix», note le chercheur. Des enquêtes ont montré qu'ils sont perçus par le public comme un complément aux tableaux d'affichage. «La règle veut que les annonces ne soient jamais faites à l'arrivée ou au départ d'un train», souligne Agnès Lambin, responsable de l'acoustique et de la sonorisation à l'Arep, le bureau d'études de la SNCF. Le niveau sonore d'une motrice en gare est en effet très élevé: 85 dB.

La mise sur le marché de haut-parleurs directionnels, plus performants, peut avoir des effets pervers. «Au lieu de chercher à réduire le bruit en limitant la réverbération des bâtiments, on peut faire en sorte que l'annonce couvre le bruit ambiant, ce qui ajoute encore du bruit au bruit», avance Christian Hugonnet. Les annonces dans le hall de la gare du Nord n'ont pas encore bénéficié de cette innovation. À certains endroits, elles sont presque incompréhensibles. On se croirait dans le film de Jacques Tati, Les Vacances de Monsieur Hulot, où les touristes sur les quais ne parviennent pas à comprendre le message du chef de gare.