Les hormones androgènes contre la sclérose en plaques
Par Benje le vendredi, février 1 2013, 11:23 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
La sclérose en plaques est une maladie dégénérative de la myéline qui s'accompagne d'une inflammation prononcée du système nerveux central. Touchant environ 80 000 personnes en France, elle se caractérise par des troubles de la motricité et de la vision et par des atteintes neurologiques comme des difficultés d'élocution. On savait déjà que la maladie présentait une composante hormonale. En effet, les femmes sont deux fois plus atteintes que les hommes, bien que le pronostic soit moins bon pour le sexe masculin. De plus, il a été observé que les femmes enceintes atteintes de sclérose en plaques se portent mieux durant leur grossesse, lorsque leurs taux d'hormones sont élevés. L'équipe dirigée par le Dr Said Ghandour avait déjà montré l'effet protecteur de la testostérone sur les oligodendrocytes (cellules responsables de la myélinisation).
Pour cette étude, les chercheurs ont tout d'abord induit une démyélinisation chronique des fibres nerveuses dans le cerveau de souris. Pour cela, ils ont intégré à leur nourriture de la cuprizone, une molécule qui séquestre le cuivre. Les souris ont alors présenté une démyélinisation chronique analogue à celle observée au cours de la phase progressive de la sclérose en plaques. Elles ont ensuite été traitées à la testostérone durant 6 à 9 semaines. Résultat: leurs fibres nerveuses ont été à nouveau myélinisées et leurs symptômes se sont remarquablement atténués. Les mêmes effets ont été obtenus en utilisant un analogue de synthèse de la testostérone, la 7-alpha-méthyl-19-nortestostérone (MENT).
Les chercheurs ont par la suite montré que ces androgènes entrainaient
la transformation des cellules souches neurales en oligodendrocytes et
favorisaient la synthèse de myéline par les oligodendrocytes, conduisant
à la préservation de l'intégrité des fibres nerveuses. Ils ont ensuite
répété l'expérience, mais cette fois-ci en utilisant deux souches de
souris transgéniques: l'une comportait un récepteur des androgènes muté
et l'autre un récepteur qui avait été invalidé sélectivement dans le
système nerveux central. Sur ces souris insensibles aux androgènes, la
testostérone n'a pas stimulé de remyélinisation des fibres nerveuses.
Ces résultats identifient le récepteur des androgènes comme une cible
thérapeutique prometteuse pour le traitement de maladies comme la
sclérose en plaques. Ils ouvrent la voie à l'utilisation des androgènes
pour favoriser la régénération de la myéline. Des travaux
complémentaires devraient par ailleurs s'intéresser à la possibilité
d'utiliser les taux sanguins de testostérone comme biomarqueurs pour
évaluer la progression des maladies démyélinisantes.
Cette étude a été notamment subventionnée par la Fondation ELA (European Leukodystrophy Association).
Notes: (1) Plus précisément l'équipe de Biopathologie et imagerie de la myéline au sein de ce laboratoire.
(2) D'autres laboratoires français ont participé à ces travaux de
manière moindre, notamment l'unité "Physiopathologie et psychopathologie
cognitive de la schizophrénie" (Inserm/Université de Strasbourg),
l'unité "Cellules souches et radiations" (Inserm/CEA/Universités
Paris-Diderot et Paris-Sud), et l'unité "Physiopathologie des maladies
du système nerveux central" (CNRS/UPMC/Inserm).
Référence: The neural androgen receptor: a therapeutic target for myelin repair in
chronic demyelination. Rashad Hussain, Abdel M. Ghoumari, Bartosz
Bielecki, Jérôme Steibel, Nelly Boehm, Philippe Liere, Wendy B. Macklin,
Narender Kumar, René Habert, Sakina Mhaouty-Kodja, François Tronche,
Regine Sitruk-Ware, Michael Schumacher and M. Said Ghandour. Brain,
Janvier 2013. Volume 136(1): pages 132-146 (doi:10.1093/brain/aws284).