Ce n'est un secret pour personne : il fait plus chaud en ville que dans les campagnes environnantes. Accumulation de chaleur dans les bâtiments, transports, consommation d'énergie sont autant de causes de ce phénomène dit de "l'ilôt de chaleur urbain". A Paris par exemple, de récentes simulations reproduisant le scénario de la canicule de 2003 ont montré que l'été, un "dôme de chaleur" pouvait élever de 4 à 7 ºC les températures dans certains arrondissements centraux par rapport aux villes de proche banlieue.

Toutefois, d'après une étude publiée dimanche 27 janvier dans Nature Climate Change, cette "pollution thermique" est loin de s'arrêter aux frontières des villes. La chaleur s'élève, interfère avec les courants aériens, et peut avoir une influence sur la température de régions situées à des milliers de kilomètres du foyer de population.

Selon les chercheurs de l'Université de Californie, de l'Université de Floride et du Centre national de recherche atmosphérique (NCAR) américain, ces variations de température, à la hausse ou à la baisse, sont significatives : jusqu'à 1 °C dans certaines régions de l'hémisphère Nord. "Ce qui nous a vraiment surpris, c'est que cette consommation d'énergie était de faible quantité, mais pouvait pourtant avoir un impact important, loin de la source de chaleur", commente Guang Zhang, un des scientifiques qui a mené l'étude, dans le Guardian.

UN NOUVEAU FACTEUR DANS LES MODÈLES CLIMATIQUES

Dans leur modélisation, le réchauffement atteint ainsi 1 °C en Russie et en Asie septentrionnale, jusque 0,8 °C dans le nord-est des Etats-Unis et le sud du Canada, ou encore 0,5 °C dans l'est de la Chine. L'Europe de l'Ouest est touchée par un refroidissement des températures en hiver, mais connaît par contre un réchauffement au printemps.

Ainsi, en dépit d'une consommation d'énergie plutôt stable dans les villes, l'impact sur les températures varie, lui, au fil des saisons. Selon l'étude, le changement est plus important en hiver, puis en automne, suivi du printemps et de l'été. Si les mois d'hiver et de printemps sont dominés par un réchauffement de l'atmosphère, ceux d'été et d'automne ont, à l'inverse, tendance à se refroidir sous l'effet de cette modification des courants atmosphériques. Avec, au final, peu de changement dans la température annuelle moyenne. Et une influence minime sur le réchauffement climatique constaté au niveau planétaire.

L'étude a en tout cas le mérite de mettre en lumière des causes de variations des températures à échelle continentale qui restaient, jusqu'à présent, inexpliquées dans les modèles climatiques existants. La consommation d'énergie et la chaleur urbaine devraient donc, estiment les chercheurs, être désormais inclues dans les projections climatiques – en plus des principaux facteurs liés aux activités humaines pris en compte jusqu'ici, à savoir les émissions de gaz à effet de serre, les changements d'usage des terres (déforestation, urbanisation...), et les aérosols en suspens dans l'atmosphère.