(AFP) Snif à gauche, snif à droite : la sensibilité des narines de la taupe lui permet de sentir très précisément d'où vient l'odeur de son repas.

La plupart des mammifères, humains compris, voient et entendent en stéréo, chaque œil ou oreille percevant indépendamment de l’autre. Presque aveugle, la taupe à queue glabre, utilise quant à elle un odorat en stéréo pour localiser infailliblement ses proies, révèle une étude.

«Au début, je n’y croyais pas. Je pensais que les narines des taupes étaient trop proches l’une de l’autre» pour détecter efficacement les variations d’odeurs dans l’espace, assure Kenneth Catania, auteur de cette étude publiée mardi dans la revue britannique Nature Communications. Pour mettre en évidence l’existence de cet odorat en stéréo, jusqu’alors jamais démontré chez un mammifère, le chercheur a commencé par mettre la taupe à queue glabre (Scalopus aquaticus) au centre d’une arène circulaire. Puis il plaçait, au hasard, des morceaux de ver de terre, dans un des nombreux trous entourant l’enceinte.

«C'était étonnant. Elles trouvaient la nourriture en moins de cinq secondes et se dirigeaient presque à chaque fois directement vers le bon puits», raconte le spécialiste en neurosciences de l’Université américaine Vanderbilt, à Nashville. La taupe commençait généralement par bouger son museau en reniflant, puis semblait se fixer sur la source de nourriture et filait vers elle en ligne droite. Le chercheur s’est donc demandé si la taupe ne reniflait pas en stéréo.

Pour tester cette idée, il a bouché l’une des narines de la taupe. Lorsque la narine gauche était bouchée, la trajectoire de la taupe déviait vers la droite, et réciproquement. Elle parvenait encore à trouver la nourriture, mais cela lui demandait plus de temps. Ce résultat présente une ressemblance frappante avec une étude célèbre menée en 1979 sur la chouette effraie, à l’audition stéréo très performante mais perturbée dès lors qu’on lui bouche l’une des deux oreilles.

Pour savoir si elle sentait bien «en stéréo», Kenneth Catania a alors inséré de petits tubes en plastique dans les narines de la taupe tout en croisant ces tubes, de sorte que la narine droite de l’animal sentait en réalité l’air provenant de sa gauche et inversement. Preuve de leur nez «stéréoscopique», toutes les taupes ainsi testées étaient désorientées, effectuant de nombreuses allées et venues et échouant fréquemment à trouver la nourriture.

«Le fait que les taupes utilisent des signaux olfactifs en stéréo pour localiser leur nourriture suggère que d’autres animaux qui ont abondamment recours à leur odorat, comme les chiens et les cochons, pourraient aussi posséder cette faculté», conclut Kenneth Catania. Il doute toutefois que l’espèce humaine soit capable d’un tel exploit.