Par , à Bordeaux - L'initiative du président de la communauté de communes de Podensac, dans le Sauternais, pourrait diviser la production de déchets par deux.

Faire adopter deux poules pondeuses pour qu'elles mangent les déchets organiques de la maison et fassent baisser par la même occasion la masse de déchets à incinérer. C'est l'idée du maire de Barsac, village de 2 200 habitants au milieu des vignes du Sauternais, au sud de Bordeaux. En tant que président de la communauté de communes (CDC) de Podensac (13 communes, 20 000 habitants), Philippe Meynard a lancé ce projet fin janvier. Il en avait déjà touché un mot à ses administrés de Barsac quelques jours plus tôt.

"Les poules, c'est sympathique et loufoque vu de l'extérieur, mais, pour les habitants, ça a du sens", assure, très sérieux, le maire centriste. Quatre jours après l'annonce, les 1 000 poules commandées étaient déjà réservées. Des belles Marans de 12 semaines, une race rustique qui est bonne pondeuse, vendue 1 euro pièce, avec contrat d'adoption en échange. Celui-ci stipule entre autres de prendre soin des bêtes à plumes, de les garder au moins deux ans - durée moyenne de vie d'une poule pondeuse -, de ne pas adopter de coq pour la paix des ménages alentour et de ne pas attaquer en justice la collectivité en cas de maladie ou de décès de l'animal.

À titre personnel, Philippe Meynard possède quatre pondeuses dans son grand jardin. En bons gallinacés, elles pondent une dizaine d’œufs par semaine et mangent tous les déchets organiques de la maisonnée : épluchures de cuisine, mais aussi restes de repas comme le poisson, les croûtes de fromage ou le pain. "En moyenne, une poule consomme jusqu'à 150 kilos de déchets végétaux par an", explique l'édile. Cet aspect-là l'a beaucoup intéressé, car, depuis deux ans, la CDC a mis en place sur tout le territoire une "redevance incitative" pour les ordures ménagères : les foyers paient le traitement de leurs déchets ménagers au poids et non plus au forfait. Alors, moins il y en a, plus ils économisent. Bilan fin 2012 : la production de déchets par habitant a été divisée par deux en un an, soit 140 kilos.

Bon sens

Pour contribuer à cette politique de réduction à la source, il existait la distribution de composteurs individuels, les jardins familiaux, le développement du tri sélectif... Désormais, à partir du 23 février, date des premières livraisons sous la halle de Barsac, il y aura les poules ! C'est tout bénéfice pour les habitants volontaires, mais aussi pour la CDC : l'opération coûte 8 500 euros, moins 1 000 euros de participation des habitants, soit 7 500 euros. "Mais les poules vont faire économiser 150 tonnes [150 kilos X 1 000 poules] à l'incinération, soit 15 000 euros", calcule le maire, également conseiller régional. Il réfléchit aussi à un poulailler municipal pour les habitants du bourg qui n'ont pas la chance d'avoir un jardin pour installer leur propre poulailler. "L'idée est de faire du lien social en plus de la démarche écologique, économique et pédagogique." L'opération devrait voir le jour au printemps prochain.

Cet engouement a quand même surpris Philippe Meynard, car "beaucoup d'habitants, notamment à Barsac, viennent de la ville et n'ont vu des poules qu'à la télé" - étonnant quand on sait que Barsac est entouré de vignes, de châteaux et de fermes. C'est le cas de Sylvie Lavergne, bordelaise de naissance et barsacaise depuis 22 ans : "On avait un poisson, un hamster, des chats mais pas de poules", sourit l'assistante maternelle. Les plans du poulailler fait avec du bois de récupération sont déjà prêts. Raphaël, Sacha et Inaë, les trois bambins de 2 à 3 ans gardés au domicile de Sylvie, trépignent déjà d'impatience : "Ils sont pressés de voir, car, pour eux, ça a l'air quelque chose de merveilleux", note la nounou, tout excitée elle aussi d'avoir bientôt ces nouveaux hôtes à la maison. "On va réapprendre le bon sens auquel on ne pense plus forcément dans notre vie moderne : faire des choses simples à un coût modéré."