| Édité par Yves Clarisse

SAINT-ORENS-DE-GAMEVILLE, Haute-Garonne (Reuters) - Pour les consommateurs refroidis par le scandale de la viande de cheval étiquetée "bœuf", une société toulousaine propose une alternative exotique : déguster des insectes bien français, sains, nutritifs, certifiés "bio" et bons pour l'environnement.

Grillon domestique et ver de farine pourraient occasionnellement remplacer nos steaks comme source de protéines, estime Micronutris, une jeune entreprise qui se présente comme la seule productrice en Europe d'insectes destinés à l'alimentation humaine.

Basée à Saint-Orens-de-Gameville, dans la banlieue de Toulouse, elle espère convaincre le grand public en mettant en avant les qualités nutritionnelles de ses produits et l'impact environnemental relativement faible de l'élevage d'insectes.

En outre, son gérant Cédric Auriol estime que les récents scandales alimentaires, de la maladie de la "vache folle" au poulet contaminé à la dioxine, ouvrent la porte à un changement dans les habitudes de consommation des Européens. "Par rapport à ce qui se passe avec le cheval, ou de manière générale tous les scandales qu'il y a eu dans la viande ces dernières années, il y a beaucoup de gens qui rentrent en réflexion : 'quel est le sens de manger de la viande ? Est-ce que je peux la substituer ?'", explique-t-il. "L'avantage des insectes, c'est que vu que ce ne sont pas des mammifères, le risque de transmission d'une maladie de l'insecte à l'humain est inexistant. On ne pourra pas imaginer le 'ver de farine fou'", assure-t-il.

"ON PEUT CRÉER LE MARCHÉ"

Commercialisant des insectes sur internet depuis l'an dernier, Micronutris a entamé une montée en cadence de sa production de grillons domestiques et de ténébrions, aussi connus sous le nom de vers de farine.

Produisant actuellement quelques dizaines de kg par semaine, la société prévoit de produire une tonne de chaque espèce par mois d'ici trois mois. Au total, 15 tonnes d'insectes devraient être produites sur l'ensemble de l'année 2013.

Dans les 650 m2 du site de production, de grands conteneurs alignés sont éclairés d'une lampe chauffante et remplis de boîtes d’œufs, afin de ménager des alvéoles de ponte. Les grillons domestiques y sont nourris de végétaux issus de l'agriculture biologique et portés à maturité en huit semaines.

Pour les vers de farine, il faut compter douze semaines dans les casiers d'une petite pièce où règne environ 60% d'humidité. Des tests sont également menés sur deux autres espèces, le grillon des steppes et le criquet pèlerin.

"On est dans une phase ascendante", explique Cédric Auriol, qui fait état d'un chiffre d'affaires actuel de 10.000 euros et ambitionne de le porter à 10 millions d'euros d'ici 2017, avec 30 emplois à la clé contre six aujourd'hui. "Ce qui est magique, c'est que vu qu'il n'y a pas de marché, on peut le créer. Pourquoi se restreindre à un marché de niche ? Ça a vraiment du sens si l'insecte peut être un substitut occasionnel à la viande chez le grand public."

"TRÈS SAINS ET NUTRITIFS" SELON LA FAO

Patron d'une entreprise d'import-export, le jeune chef d'entreprise de 30 ans s'est lancé dans l'aventure Micronutris en 2011, voyant dans l'entomophagie une manière de diversifier son activité.

Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), environ 2,5 milliards de personnes, principalement en Afrique, en Asie et en Amérique latine, se nourrissent d'insectes au quotidien.

Dans la perspective d'une population mondiale qui atteindrait 9 milliards d'individus en 2050, "la nécessité de trouver des sources alternatives de protéines (autres que la viande provenant du bétail) est urgente", estime la FAO, qui juge les insectes "très sains et nutritifs".

Cédric Auriol souligne par ailleurs le bilan environnemental favorable d'un élevage d'insectes par rapport au bétail traditionnel.

"Les insectes ne produisent pas de chaleur, donc la majeure partie de l'alimentation qu'ils ingèrent peut servir à la croissance", poursuit-il, évaluant à 9 kg la quantité d'insectes produite à partir de 10 kg de végétaux.

Après avoir lancé des chocolats et des macarons à base d'insectes, Micronutris se fixe désormais l'objectif d'intégrer ses animaux dans des produits alimentaires de grande consommation et travaille sur une barre énergétique à base de farine d'insectes, qui devrait être en rayon fin 2013.

"Les insectes répondent à une vraie problématique (alimentaire). De par mon activité, j'amène une petite goutte d'eau dans la réponse à cette problématique", fait valoir Cédric Auriol, qui se démarque de l'image créée par les émissions de télé-réalité, où certaines épreuves imposent aux candidats de manger de gros vers peu appétissants. "Je ne veux pas faire du ludique et du 'Koh Lanta'. On s'appuie sur des tendances de fond. On veut être un produit à destination des Français."