Selon une étude parue dans le "European Journal of Preventive Cardiology", les changements de modes de vie font que les jeunes trentenaires ont un état de santé proche de leurs ancêtres quand ils avaient 45 ans.

La résistance  de la génération nouvelle est-elle différente de la précédente ? Peu probable, les changements sont lents. Nous ne sommes guère différents à bien des égards des hommes préhistoriques… alors pourquoi cet article, cette nouvelle peur ? Marketing, always marketing ... ou plutôt mise en condition pour un futur marketing

Atlantico : Selon une récente étude parue dans le European Journal of Preventive Cardiology, à cause de leur hygiène de vie les adultes d’aujourd’hui seraient bien plus susceptibles de souffrir d’hypertension artérielle, d’obésité et de diabète que leurs parents et grands-parents. Les chercheurs auraient constaté que les jeunes générations auraient une moins bonne santé "métabolique" que les précédentes. Gerben Hulsegge, de l’Institut national pour la santé publique et l’environnement de Hollande, a même déclaré que les jeunes adultes auraient "15 ans de plus" que leurs aînés au même âge… Nos parents et nos grand-parents étaient-ils plus résistants que nous ? Notre corps est-il « vieux » plus tôt ? Dans quelle mesure peut-on dire que, sur le plan du métabolisme, "c'était mieux avant" ?"

Nicole Delépine : Pourquoi tant d’échos pour un article plus que faible sur le plan scientifique ? Il serait bon de vérifier que les auteurs et la revue d’accueil sont indépendants des laboratoires et comprendre  le but réel de cette publication.

Les populations nordiques résistent mieux que les Français au tout médicament. Ils en consomment moins. Il faut les affoler, la peur est le moyen infaillible pour vendre médicaments, compléments alimentaires, stage de relaxation, de méditation, des régimes guidés via Internet ou des repas tout préparés pour vous rééquilibrer etc. Le niveau des prix pratiqués montre bien que la santé du chaland n’est peut-être pas la première motivation de la publication et de son retentissement médiatique.

Si on y regarde de près, les auteurs de l’article cité utilisent partout le conditionnel dans leur exposé et le verbe "pourrait" ("may" et non pas "can") dans le titre. Mais les médias s’en emparent en transformant rapidement la notion de "peut-être" en affirmation. Méthode classique de désinformation utilisée par exemple dans l’étude Jupiter qui avait conclu que les médicaments anti-cholestérol type statines "pourraient" diminuer le risque d’accidents cardiaques et qui a été utilisée dans le monde entier pour répandre ces drogues dangereuses et inutiles pour des milliards d’euros (au moins un par an en France)[3] avec 5 millions d’usagers. 

A: Selon cette étude les hommes trentenaires ont 20% de chances en plus d’être en surpoids que les générations précédentes, les femmes d’une vingtaine d’années ont deux fois plus de chances d’être obèses… Et pourtant la courbe de l’espérance de vie ne baisse pas dans nos sociétés modernes. Comment expliquer ce paradoxe ? Le mode de vie des générations précédentes n'apportait-il pas une plus grande vitalité aux êtres humains ? Nous sommes de plus en plus sensibilisés aux questions d’hygiène de vie et de respect de son corps. Pour autant, le fait que nos aliments soient exempts de parasites et que les plats préparés soient "prédigérés" n'entraîne-t-il pas de changements profonds dans notre constitution ?

Il faut préciser que l’article parle de santé "métabolique"  et non pas de santé. Constater que les jeunes trentenaires des pays riches ont un risque accru de surpoids, de diabète ou d’hypertension est un fait mieux établi, directement lié à l’alimentation industrielle trop riche en sel (facteur d’hypertension), en sucre (favorisant le diabète) et en graisses et probablement pas "ancré" dans nos gènes et réversible si l’industrie agroalimentaire aussi suspecte que Big pharma ne nous rend pas addict à certains aliments en rajoutant par exemple l’aspartam pour ne citer que lui .

Entre un fait de société et une modification génétique entre deux générations, il y a un monde qu’il ne faut pas franchir. Il ne faut pas oublier que l’addiction aux médicaments en particulier neuroleptiques est également un facteur de dérèglement alimentaire. Une raison de plus pour les éviter ! Le "vieillissement" n’a pas de définition précise et prétendre que les jeunes adultes ont "15 ans de plus" que les générations précédentes ne signifie donc pas grand-chose et témoigne plus de l’envie de faire parler de soi et probablement de promouvoir un nouveau médicament censé protéger la population du spectre annoncé. La récente « sensibilisation  aux problèmes urologiques des hommes et singulièrement de l’éjaculation précoce » relève du même système promotionnel. Créer un besoin et quelques semaines plus tard y répondre en lançant via les médecins qui seront consultés un médicament "miracle". Écoutez c’est maintenant sur les radios ! Nous y reviendrons probablement.

De plus, afin de pouvoir augmenter les populations décrétées à risques (et donc à traiter) les valeurs limites de la normalité ont été systématiquement revues à la baisse par des sociétés savantes sponsorisés par "Bigpharma".

Les normes ainsi transformées ont conduit à faire entrer de nombreuses personnes saines dans les  marchés des antihypertenseurs, des antidiabétiques, des anticholestérol, n’hésitant pas à transformer la vie de ces bien portants en les rendant esclaves de leur corps pourtant sain, de leur pharmacien et de leur docteur. De nombreux ouvrages témoignent de cette inflation des soi-disant malades fabriqués par l’industrie pharmaceutique : celui de Jorg Blech  « Les inventeurs de maladies manœuvres et manipulations de l’industrie pharmaceutique » publié en 2003 et dès 2005 en France chez Acte Sud, fut un des premiers. J’en ai cité de nombreux autres dans la face cachée des médicaments en 2011 et d’autres confrères continuent à insister sur le sujet. Le message est fort et finira par être entendu mais est noyé dans le flot de fausses «informations » diffusées par l’industrie qui investit des centaines de millions chaque année pour promouvoir des produits inutiles ou dangereux. L’article que nous commentons ici est typique de la contre-offensive, que les auteurs soient sincères ou manipulés.

Rien ne permet  de penser que les générations précédentes aient eu une constitution plus robuste. Leur mortalité précoce (néonatale, infantile, jeunes accouchées) était beaucoup plus élevée et leur taille notoirement plus petite. Il suffit d’observer les anciens costumes des acteurs de la Comédie française ou les armures de nos chevaliers qui n’étaient pourtant pas choisis parmi les plus chétifs. Certes certains survivants au-delà de la trentaine montraient une résistance aux efforts qui pourrait nous paraître remarquable mais c’est parce les efforts physiques qu’ils devaient fournir au quotidien et les épreuves qu’ils avaient affrontées pour survivre jusque-là les avaient sélectionnés de manière efficace. Ils n’avaient pas le choix et leur longévité moyenne était notoirement plus courte comme celle de nos grands sportifs souvent.

Depuis que l’hygiène s’est améliorée et que la nourriture des populations des pays évolués est devenue suffisante, les conditions de vie transformées (habitat chauffé, etc.) la longévité a considérablement augmenté malgré l’augmentation de la sédentarité et l’exposition aux toxiques de toutes espèces, ce qui témoigne de la résistance de l’être humain (y compris actuel) eu égard à la nocivité de ces agents. Il est tout de même nécessaire de rappeler que les ouvriers ou les mineurs qui travaillaient très dur à la chaîne ou dans la mine n’avaient pas le temps de profiter de leur retraite. Et aussi que la vie est devenue plus douce depuis 1945 avec la réduction progressive du temps de travail et surtout de la dureté de ses conditions conduisant à la longévité actuelle dont nous nous réjouissons.

Faire peur est une recette éprouvée pour augmenter les profits et si les gens n’ont plus assez peur du cancer il faut les affoler avec autre chose et surtout des inquiétudes qui permettent de les médicamenter à outrance. Si il est raisonnable et utile de travailler au lieu de buller et de manger équilibré et bio si ça existe, et de marcher ou nager pour le plaisir, affoler les populations sur une "possibilité" aussi peu probable que celle-ci parait bien anticipée. Si les chercheurs revenaient à leurs bonnes habitudes de ne publier que lorsque les résultats commencent à être assez certains, on aurait moins de ce genre d’articles. Mais peut-être pour avoir une imprimante ou un ordinateur de plus et payer l’électricité de leurs labos ont-ils besoin d’en passer par là … Si on est connu, votre administration vous traite moins mal ...

Mais on ne peut parler aujourd’hui de la pression pharmaceutique sur les chercheurs et les médecins sans évoquer la triste affaire Cahuzac dont curieusement les prolongements tardent à venir.

Pourtant si on se réfère à l’excellent papier de J.C.Cristofari sur le site "Pharmanalyses" on découvre avec effroi l’ampleur des relations incestueuses entre pouvoir politique, bureaucratique, médical  et Big pharma . On serait très curieux de voir les reportages filmés qui existent (et feraient taire beaucoup des participants semble-t-il) sur le "Davos" annuel de Bigpharma qui s’est tenu à Lourmarin entre 1998 et 2010 réunissant le gratin des milieux suscités. Est-ce que par exemple son ministre de tutelle Claude Évin  actuel directeur de l’Agence régionale d’Ile de France ARS, qui a tout pouvoir sur les hôpitaux et cliniques de la région parisienne, pourra longtemps feindre sa surprise alors qu’il est en photo à côté de JC à Lourmarin pour prêcher sur la réforme de la sécurité sociale au milieu d’un parterre de ministres, de conseillers, de députés ,de directeurs d’agences et d’hôpitaux .

Là est le mal et débusquer les conflits d’intérêt sous-jacents au type de publication que nous commentons ici est la seule voie pour assainir le milieu et que nous puissions examiner sereinement les articles bons ou mauvais sans être quasi certains que s’ils ont été publiés dans des revues "reconnues" c’est qu’ils ont été sponsorisés directement ou indirectement. Suivons le fil d’Ariane Cahuzac, nous ne devrions pas être déçus et finirons peut-être par être efficaces et entendus. Les scandales qui touchent le cancer que j’ai tentés d’exposer dans Le cancer un fléau qui rapporte en deviennent plus compréhensibles et crédibles pour tous ceux qui ont pu penser un temps que j’exagérais. Et pourtant la vérité est toujours pire que ce qu’on peut imaginer.