Une équipe de l'Inserm a décrypté les (mauvais) songes des personnes atteintes de somnambulisme ou de certaines maladies neurologiques.

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Rêver n'est pas toujours un moment de bonheur, loin de là. C'est ce qui vient de démontrer une équipe de l'Inserm*, à Paris, dont le travail a été mis en ligne sur le site de la revue Sleep Medicine. C'est surtout vrai pour les personnes souffrant de somnambulisme, de la maladie de Parkinson et d'une forme particulière de démence. Car ces patients sont victimes de menaces dans 60 à 70 % de leurs rêves, ce qui n'a évidemment rien de plaisant.

Le somnambulisme survient le plus souvent chez les enfants et les jeunes adultes. Ils se réveillent partiellement en phase de sommeil profond, en début de nuit, et deviennent actifs pendant leurs rêves. Les travaux de l'équipe du professeur Isabelle Arnulf*, du Service des pathologies du sommeil à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), montrent que les somnambules rêvent en général de catastrophes : des murs qui rétrécissent, des trous béants, un plafond qui s'effondre, leur bébé qui tombe du lit, le plus souvent dans la chambre où ils dorment. Et c'est pour fuir le danger qu'ils sortent de leur lit et peuvent alors se retrouver dans des situations dangereuses. "Le fait qu'ils aient les yeux ouverts explique qu'ils transposent l'histoire de leur rêve dans leur chambre, créant une espèce de chimère", poursuit la chercheuse.

Extérioriser les rêves

Bien différente est la situation de ceux qui présentent des troubles du comportement pendant les phases de sommeil paradoxal, ainsi appelé en raison d'une activité cérébrale intense et de la formation des rêves. Si ce type de problème est bien plus rare que le précédent - il ne touche que 0,5 % de la population, en général des personnes âgées -, il affecte la grande majorité des patients souffrant de la maladie de Parkinson et d'une démence dite "à corps de Lewy". Ces individus extériorisent leurs rêves et adoptent des comportements parfois violents.

"Là, le verrou cérébral qui permet de dissocier corps et esprit pendant les rêves ne fonctionne plus complètement", explique Isabelle Arnulf, dont l'équipe a interrogé une soixantaine de patients et récolté les récits de 162 rêves associés à ces comportements. Ils les ont analysés de différentes manières : en fonction de leur contenu (pour inventorier les protagonistes, les lieux, les objets, les émotions, les circonstances) mais aussi de la menace ressentie et des "bizarreries", comme la présence d'un zèbre dans le salon !

Utile à la survie

Conclusion : les personnes atteintes de troubles du comportement en sommeil paradoxal rêvent le plus souvent qu'on les attaque, elles ou leurs proches, et cela, dans un lieu étranger. Elles restent donc dans leur lit, mais elles se débattent et elles se défendent, pouvant à cette occasion se montrer violentes avec leur conjoint. Ces patients gardent les yeux fermés pendant leurs rêves et restent donc dans le lieu où ces rêves les conduisent.

Mais attention, les chercheurs soulignent que ces derniers ne sont absolument pas agressifs pendant la journée. Ils rappellent même une théorie selon laquelle l'évolution a conservé ce trait nocturne, parce qu'il c'est qu'il est utile à la survie : le fait d'être confronté à des situations virtuelles de menace aide peut-être chacun à se préparer à faire face à des obstacles le jour. Un message qui devrait rassurer les patients qui se croient souvent l'objet de "sensations violentes refoulées".


* Unité 975 Inserm/Université Pierre et Marie Curie - Paris 6/CNRS, Centre de recherche de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris