Un germe serait en cause dans 40% des lombalgies chroniques avec hernie discale. Une étude anglo-danoise montre que ce mal pourrait être soigné par antibiotiques.

C'est une étude étonnante mais convaincante. Elle montre que dans plus d'un tiers des lombalgies chroniques avec hernie discale, la cause pourrait être un germe difficile à repérer qui va se nicher dans la colonne vertébrale, le Propionibacterium acnes (P. acnes). Une bactérie par ailleurs très courante sur la peau humaine, notamment dans l'acné. «La procédure standard dans le cadre d'une recherche bactériologique, est de cultiver les biopsies vertébrales pendant trois jours, mais pour cette bactérie il faut laisser pousser quatorze jours sinon on ne peut pas la voir», explique au Figaro le Professeur Claus Manniche, de l'université du Danemark du Sud, à Odense, coauteur de deux études publiées dans l'European Spine Journal. La première met en évidence l'existence d'une image IRM évoquant cette infection chez certaines personnes souffrant de lombalgies chroniques. La deuxième révèle qu'un traitement antibiotique dans ces cas particuliers peut réduire la douleur.

Biopsie nécessaire

Pour trouver P. acnes, encore faut-il avoir de bonnes raisons de le chercher. Dans l'étude danoise, menée conjointement avec l'université de Birmingham au Royaume-Uni, les 61 patients allaient subir une intervention chirurgicale pour une hernie discale, ce qui permettait une biopsie. Ils souffraient surtout de douleurs lombaires depuis plus de six mois et l'examen IRM de leur colonne vertébrale montrait un aspect caractéristique que les radiologues appellent Modic 1. Du nom du neuro-radiologue de la Cleveland Clinic qui a mis au point la classification (Modic 1, 2 ou 3) à la fin des années 1980.

Bien sûr, une image ne fait pas un diagnostic. Il est d'ailleurs fréquent de voir des anomalies lorsque l'on fait des radiographies, scanners ou IRM de la colonne vertébrale sans qu'elles soient forcément l'explication des douleurs. D'ailleurs, un tiers des personnes n'ayant pas mal au dos présente tout de même des anomalies vertébrales à la radiographie, ce qui montre à quel point les images ne sont pas spécifiques. Un peu plus affinée, la signature Modic 1, en IRM, n'est-elle pas le signe que la bactérie P. acnes est présente? «Oui le plus souvent, répond le Pr Manniche, mais il est possible de développer des modifications de type Modic 1 sans bactérie.» C'est d'ailleurs le cas de 6% des gens qui ne se plaignent de rien.

Un traitement pour soulager la douleur

L'enjeu est important car si P. acnes est présent, un traitement antibiotique est envisageable avec l'espoir de soulager les douleurs. Or, dans un deuxième article, publié dans le même numéro de l'European Spine Journal, le Pr Manniche et ses collègues, montrent que c'est exactement ce qui se passe. Ils ont divisé en deux groupes ces patients lombalgiques chroniques ayant des modifications Modic 1 en IRM. Le premier a reçu pendant 100 jours un placebo, le second un antibiotique actif sur P. acnes, associant l'amoxicilline à l'acide clavulanique. Résultat, à la fin du traitement seul les patients traités par antibiotiques avaient moins souvent mal au dos - 180 heures contre 448 heures en moyenne au début de l'étude - et lorsqu'ils avaient mal, la douleur était moins intense: 5/10 contre 6,7/10 avant le traitement. Un bénéfice qui se prolongeait et s'accentuait encore avec un an de recul. Les patients traités n'étaient plus que 19% à se plaindre encore de douleurs constantes alors qu'ils étaient 75% un an plus tôt.

Pour expliquer cet effet retard, le Professeur Manniche souligne «le temps nécessaire, comme dans une fracture, pour qu'une structure osseuse guérisse après que le germe a été tué par les antibiotiques». Ces études anglo-danoises bien conduites ouvrent sérieusement la piste d'une infection localisée pour expliquer certaines lombalgies persistantes et rebelles aux traitements usuels. Il faut maintenant qu'elles soient confirmées par d'autres travaux et surtout que soit clarifié le rôle de P. acnes dans la symptomatologie. Peut-être qu'un traitement antibiotique plus précoce serait d'ailleurs encore plus efficace. «Trop tôt pour le dire», répond le Professeur Manniche.