Source: Marie Lambert-Chan - Université de Montréal

La détresse psychologique expliquerait en partie les liens entre la somnolence diurne et la consommation de produits sucrés. "Les individus qui ont des problèmes de sommeil et qui, par conséquent, s'assoupissent fréquemment pendant le jour auraient tendance à avoir des troubles de l'humeur. Ils mangeraient alors davantage d'aliments ultra transformés riches en sucre, comme des biscuits et des bonbons, afin de faire le plein d'énergie ou d'atténuer leur mauvaise humeur, voire leur détresse psychologique. Cependant, ingurgiter une dose importante de sucre peut non seulement favoriser l'obésité, mais aussi causer des nuits agitées, ce qui n'aide en rien le stress et l'angoisse. C'est un cercle vicieux...", explique Jean-Claude Moubarac, qui a étudié ce phénomène chez les Arabes catholiques de Montréal au cours de son doctorat en santé publique à l'Université de Montréal.

La communauté arabe catholique a l'un des plus hauts taux d'obésité du Canada. Selon le jeune chercheur, mieux comprendre la dynamique entre le sommeil, l'alimentation et l'humeur permettrait de gérer plus adéquatement ce problème de santé publique dans cette population. "Les gens du Moyen-Orient sont friands de sucreries, mais, dans leurs traditions culinaires, ce type d'aliment n'entre pas dans le menu quotidien, observe M. Moubarac. Mis a part le thé sucré, les préparations comme les biscuits et les gâteaux sont réservées aux occasions spéciales ou aux grandes fêtes."

Lorsqu'ils immigrent au Canada, ils sont confrontés à une autre façon de vivre. L'environnement et les habitudes de vie réduisent le temps et l'espace pour cuisiner et les produits transformés riches en sucre sont présents sur les étagères en quantité considérable et sont prêts à être consommés, ce qui facilite leur usage au quotidien. Ce changement d'alimentation pourrait contribuer à l'augmentation des risques d'obésité.

Jean-Claude Moubarac a sondé 186 hommes et femmes âgés de 18 à 60 ans. Environ le tiers d'entre eux souffraient de somnolence diurne excessive selon les critères cliniques. Un peu plus de 10 % des individus ont obtenu des résultats élevés au test mesurant la détresse psychologique.

La consommation d'aliments riches en sucre variait en fonction de la somnolence diurne et de la détresse psychologique. Les sujets aux prises avec une grande détresse absorbaient une portion quotidienne de gâteaux, de biscuits, de chocolat ou de bonbons 45 % plus élevée que ceux dont la détresse était modérée. Cette proportion grimpait à 68 % quand on comparait ces gens avec ceux vivant un faible sentiment de détresse.

Les personnes qui s'assoupissaient fréquemment pendant la journée consommaient 23 % plus de produits sucrés quotidiennement que celles présentant un taux modéré de somnolence diurne et 54% plus que celles s'endormant peu durant le jour.

Bien qu'éloquentes, ces statistiques ne permettent pas d'expliquer complètement les liens entre le sommeil, l'alimentation et l'humeur. "Cette dynamique est complexe, reconnait M. Moubarac, qui termine actuellement un postdoctorat à l'Université de São Paulo. Peut-être nous aurait-il fallu un plus large échantillon. Peut-être aurions-nous pu inclure d'autres variables, comme le nombre d'heure de sommeil. Mais il est aussi possible que les gens qui souffrent de somnolence diurne consomment des produits riches en sucre non pas pour être de meilleure humeur, mais simplement parce qu'ils ont un plus gros appétit. Des études ont démontré que notre faim est plus grande le jour suivant une nuit difficile."

Jean-Claude Moubarac estime que d'autres recherches doivent être menées dans ce sens, car "les politiques en santé publique devront tenir compte de cette interrelation".