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Les neurones générés à l'âge adulte joueraient un rôle fondamental dans l'apprentissage et la mémorisation des tâches complexes. Du moins chez les souris. 

C'est l'une des grandes avancées françaises en matière de biologie récemment récompensée dans le cadre de la huitième édition du prix AXA-Académie des sciences. Des chercheurs de l'Institut pasteur (CNRS), Mariana Alonso et son directeur de recherche Pierre-Marie Lledo, chef de l'unité perception et mémoire, sont parvenus à identifier, chez la souris, le rôle des néo-neurones qui se forment dans un cerveau adulte. Car si on savait avec certitude, depuis le début des années 2000, que la population de neurones du cerveau de l'homme - comme de celui du rongeur - n'était pas définie à la naissance, on ignorait encore tout des spécificités des cellules se formant à l'âge adulte.

Pour réussir à comprendre à quoi pouvaient bien servir ces néo-neurones et déterminer s'ils avaient des aptitudes différentes des autres, les scientifiques ont employé une méthode particulièrement innovante, alliant optique et génétique. Par le biais d'un virus ad hoc introduit dans la zone où se forment les néo-neurones du bulbe olfactif des souris, ils ont changé le patrimoine génétique de ces cellules afin qu'elles se mettent à produire une protéine photosensible. "De cette façon, nous avions la possibilité de stimuler l'activité de ces cellules en les soumettant à des flashs de lumière bleue émise par une toute petit diode implantée sur la surface du bulbe olfactif des rongeurs", explique Mariana Alonso. Pour faire court, le rôle des impulsions lumineuses était de renforcer l'activité des néo-neurones pour bénéficier d'un effet loupe permettant d'apercevoir leurs fonctions propres. "C'est un peu comme si vous montiez le son avec une télécommande !" résume la jeune chercheuse.

Performances cognitives

De là, plusieurs groupes de souris ont été soumis à une batterie de tests où on leur présentait deux odeurs, l'une associée à une récompense et l'autre non. Des expériences répétées jusqu'à ce que les rongeurs aient intégré vers quelle odeur se diriger pour trouver la friandise. Résultats : avec deux odeurs très différentes, telles que la fraise et le citron, les chercheurs n'ont constaté aucune différence entre les souris dont les néo-neurones étaient stimulés et les autres ; en revanche, c'est en leur présentant deux parfums très proches, comme la clémentine et l'orange, que le "miracle" s'est produit.

Grâce à l'activation de leurs néo-neurones, les souris ont appris à les distinguer beaucoup plus vite en même temps qu'elle associait l'une des deux à la distribution d'une récompense. Mais ce n'est pas tout ! En refaisant faire le même exercice aux souris 50 jours plus tard, celles dont les néo-neurones avaient été stimulés ont montré qu'elles avaient bien mieux mémorisé les règles du jeu. "Cela montre que ces cellules permettent de faciliter l'apprentissage mais aussi la mémorisation de tâches complexes", affirme Mariana Alonso. "Et nous avons pu vérifier que cela ne concernait que les néo-neurones générés à l'âge adulte, en aucun cas ceux formés juste après la naissance", précise-t-elle.

Même s'il s'agit de recherche fondamentale, les perspectives sont nombreuses. D'une part, parce que la technique optogénétique employée devrait permettre de nouvelles découvertes dans la mesure où elle donne la possibilité de prendre littéralement le contrôle d'une catégorie spécifique de neurones. D'autre part, parce que la connaissance des néo-neurones pourrait se révéler à terme très utile pour la mise au point de protocoles thérapeutiques visant à contrer des maladies neurologiques, psychiatriques, ainsi que dans le cas de lésions cérébrales.