Cerveau : le rôle des néo-neurones dévoilé
Par Benje le jeudi, juillet 11 2013, 12:28 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Les neurones générés à l'âge adulte joueraient un rôle fondamental dans l'apprentissage et la mémorisation des tâches complexes. Du moins chez les souris.
C'est l'une des grandes avancées françaises en matière de biologie récemment récompensée dans le cadre de la huitième édition du prix AXA-Académie des sciences.
Des chercheurs de l'Institut pasteur (CNRS), Mariana Alonso et son
directeur de recherche Pierre-Marie Lledo, chef de l'unité perception et
mémoire, sont parvenus à identifier, chez la souris, le rôle des
néo-neurones qui se forment dans un cerveau adulte. Car si on savait
avec certitude, depuis le début des années 2000, que la population de
neurones du cerveau de l'homme - comme de celui du rongeur - n'était pas
définie à la naissance, on ignorait encore tout des spécificités des
cellules se formant à l'âge adulte. Pour réussir à comprendre à
quoi pouvaient bien servir ces néo-neurones et déterminer s'ils avaient
des aptitudes différentes des autres, les scientifiques ont employé une
méthode particulièrement innovante, alliant optique et génétique. Par le
biais d'un virus ad hoc introduit dans la zone où se forment les
néo-neurones du bulbe olfactif des souris, ils ont changé le patrimoine
génétique de ces cellules afin qu'elles se mettent à produire une
protéine photosensible. "De cette façon, nous avions la possibilité de
stimuler l'activité de ces cellules en les soumettant à des flashs de
lumière bleue émise par une toute petit diode implantée sur la surface
du bulbe olfactif des rongeurs", explique Mariana Alonso. Pour faire
court, le rôle des impulsions lumineuses était de renforcer l'activité
des néo-neurones pour bénéficier d'un effet loupe permettant
d'apercevoir leurs fonctions propres. "C'est un peu comme si vous
montiez le son avec une télécommande !" résume la jeune chercheuse.
Performances cognitives
De
là, plusieurs groupes de souris ont été soumis à une batterie de tests
où on leur présentait deux odeurs, l'une associée à une récompense et
l'autre non. Des expériences répétées jusqu'à ce que les rongeurs aient
intégré vers quelle odeur se diriger pour trouver la friandise.
Résultats : avec deux odeurs très différentes, telles que la fraise et
le citron, les chercheurs n'ont constaté aucune différence entre les
souris dont les néo-neurones étaient stimulés et les autres ; en
revanche, c'est en leur présentant deux parfums très proches, comme la
clémentine et l'orange, que le "miracle" s'est produit. Grâce
à l'activation de leurs néo-neurones, les souris ont appris à les
distinguer beaucoup plus vite en même temps qu'elle associait l'une des
deux à la distribution d'une récompense. Mais ce n'est pas tout ! En
refaisant faire le même exercice aux souris 50 jours plus tard, celles
dont les néo-neurones avaient été stimulés ont montré qu'elles avaient
bien mieux mémorisé les règles du jeu. "Cela montre que ces cellules
permettent de faciliter l'apprentissage mais aussi la mémorisation de
tâches complexes", affirme Mariana Alonso. "Et nous avons pu vérifier
que cela ne concernait que les néo-neurones générés à l'âge adulte, en
aucun cas ceux formés juste après la naissance", précise-t-elle. Même
s'il s'agit de recherche fondamentale, les perspectives sont
nombreuses. D'une part, parce que la technique optogénétique employée
devrait permettre de nouvelles découvertes dans la mesure où elle donne
la possibilité de prendre littéralement le contrôle d'une catégorie
spécifique de neurones. D'autre part, parce que la connaissance des
néo-neurones pourrait se révéler à terme très utile pour la mise au
point de protocoles thérapeutiques visant à contrer des maladies
neurologiques, psychiatriques, ainsi que dans le cas de lésions
cérébrales.