Produire autant mais mieux et sans asphyxier l'environnement: l'ex-patronne de l'INRA, Marion Guillou, propose une révolution agricole à conduire sur une dizaine d'années.

Présenté au monde agricole avant la presse et, semble-t-il, plutôt bien accepté par les présents, son rapport "Produire autrement" parie sur une agriculture doublement performante pour l'économie et l'environnement, adossée aux expériences déjà conduites en plein champ par une poignée de pionniers.

Mme Guillou, missionnée par le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll pour réfléchir à l'adoption de nouvelles pratiques agronomiques, suggère un accompagnement serré des producteurs pour "sortir du dilemme", dit-elle, entre productivité et protection de la planète mais refuse des recettes toutes faites. "Ça se fera au cas par cas, en fonction du milieu agricole, du sol, du climat. Il n'y aura pas de prêt-à-porter", promet-elle en exposant ses travaux, conduits avec l'appui de l'Institut national de recherche agronomique (INRA).

Avec ses équipes, l'auteur a identifié les pratiques déjà existantes en France et à l'étranger et consulté les pionniers de cette agroécologie de pointe, afin de lister "203 pratiques et 35 performances agricoles et environnementales" pouvant être déclinées au niveau d'une exploitation, applicables aux sols, aux rotations de cultures, à l'élevage... "Ce sont des systèmes innovants adaptés aux territoires", a-t-elle insisté, dans lesquels chacun doit construire son modèle.

Les principaux efforts devront porter sur une réduction des produits phytosanitaires (engrais principalement) qui stimulent la production mais polluent les sols et l'eau et coûtent cher au producteur et pourront être remplacés par des rotations et des associations de cultures ou le recyclage des effluents dans l'élevage. "Commençons par valoriser l'azote organique pour réduire les achats d'azote minéral", a suggéré le ministre en faisant valoir qu'ainsi, "on économise ce qu'on gaspille aujourd'hui".

Accompagner les agriculteurs

Parmi les pistes évoquées, Mme Guillou suggère la création d'un "certificat" de performance pour les fournisseurs de produits phytosanitaires les incitant à "vendre moins" d'engrais à la manière des certificats d'économie d'énergie.

Elle a identifié une série de "freins techniques, économiques ou sociaux", tels une exigence supplémentaire en charge de travail donc de main d’œuvre, la peur d'une perte de rendement, une plus grande exposition aux aléas naturels... Mais citant une enquête réalisée sur le Grand Ouest, elle affirme aussi que "58% des agriculteurs sont prêts à se lancer". A condition d'être accompagnés par les pouvoirs publics. Ils doivent veiller à encourager de nouvelles formes de "solidarités agricoles", à lever certaines "contraintes normatives qui freinent l'innovation" et à autoriser un certain "droit à l'expérimentation", écrit-elle.

Elle recommande aussi de créer des fonds régionaux de mutualisation du risque et d'orienter la recherche en génétique animale et végétale. Mme Guillou préconise un effort important de formation, dans les lycées agricoles mais aussi auprès des conseillers techniques qui accompagnent les exploitants. Changer de logiciel, assure-t-elle en retour, aura ses avantages: protéger les sols et les ressources en eau, réduire les pollutions et les émissions de gaz à effet de serre mais aussi les charges de production.

Pour le ministre, l'idée est de "mutualiser le risque" voire de le rémunérer: la conversion est difficile, reconnaît-il. "Les cinq premières années on perd parfois 10 ou 20% de la récolte: après on gagne, mais il faut passer le cap".

Guy Vasseur, président des Chambres d'Agriculture, a salué le travail accompli: "Marion Guillou s'est rendue sur le terrain. Elle a noté que tous les jours des agriculteurs essaient de trouver des solutions sauf qu'ils n'ont pas forcément les recettes".

"On aboutira plus rapidement à des résultats en prenant les choses à la base qu'avec des normes décrétées à distance et qui s'appliquent bêtement" estime-t-il.

(Rapport consultable sur: http://agriculture.gouv.fr/Produisons-autrement)