Comment le génome mâle est-t-il préservé jusqu'à l'oeuf ?
Par Benje le samedi, juillet 27 2013, 10:50 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Pour quitter l'organisme mâle et atteindre l'œuf, le génome mâle véhiculé par le spermatozoïde subit de nombreuses transformations. Une équipe dirigée par Saadi Khochbin au sein de l'unité mixte de recherche 823 "Centre de recherche Institut Albert Bonniot" (Inserm/Université Joseph Fourier) à Grenoble vient de décrire les mécanismes moléculaires permettant la transmission du génome mâle à l'œuf. Les chercheurs révèlent le rôle essentiel d'une petite structure qui permet de compacter le génome afin qu'il soit préservé lors de son transport par le spermatozoïde jusqu'à l'œuf. Ces résultats ont été publiés dans la revue Genes & Development le 24 juillet.
Un des défis de la reproduction est le transport de
l'ADN mâle via des cellules germinales hautement spécialisées, les
spermatozoïdes. Ceux-ci sont capables de quitter l'organisme et de
survivre du mâle jusqu'à l'organisme femelle, un trajet qui nécessite de
sécuriser le génome qu'il contient afin de le préserver pour la
fécondation. Pour ce faire, le génome change progressivement de
configuration spatiale lors de la spermatogénèse. De cette manière,
l'ADN est transporté sous une forme très compacte et donc très
résistante. Un défaut dans le processus de compactage peut entrainer une
infertilité.
Jusqu'alors, bien que les scientifiques aient identifié des molécules
participant au compactage de l'ADN - histones, protéines de transition,
protamines - les déterminants moléculaires à l'origine de ces
changements rapides de configuration restaient obscurs.
L'équipe Inserm "Epigénétique et signalisation cellulaire" dirigée par Saadi Khochbin, directeur de recherche CNRS,
décrit pour la première fois comment, dans les cellules germinales
mâles, un élément "organisateur" dirige l'empaquetage compact, très
précis et spécifique du génome mâle. Il s'agit d'une histone
particulière nommée TH2B, une des premières histones identifiée dès
1975. Cette petite protéine se fixe à l'ADN au cours de la
spermatogenèse et lui donne une configuration spéciale requise pour son
compactage final. Ainsi, véhiculé par le spermatozoïde, le génome
paternel quitte l'organisme mâle et atteint l'œuf. De manière
inattendue, les chercheurs ont également montré que cette histone est
aussi présente dans l'œuf et participe, après fécondation au
ré-empaquetage du génome mâle dès son entrée dans l'œuf.
"Nous avons donc découvert un élément important dans la transmission de
l'information génétique paternelle qui participe non seulement à son
conditionnement pour une expédition par l'organe reproducteur mâle mais
également à sa réception par la cellule femelle", explique Saadi
Khochbin, principal auteur de l'étude.
Cette recherche a nécessité la mise en place de plusieurs modèles de
souris et d'approches impliquant les technologies récentes très
sophistiquées afin d'explorer le génome dans sa globalité (techniques
génomiques, transcriptomiques) et de comprendre de nouveaux mécanismes à
l'échelle moléculaire (approches protéomiques et modélisations
structurales).
Sur un plan fondamental, ces travaux améliorent les connaissances de la
transmission du génome mâle lors de la reproduction et ont des
implications dans la compréhension de l'infertilité et l'optimisation de
la procréation médicalement assistée.
Référence: Chromatin-to-nucleoprotamine transition is controlled by the histone H2B variant, TH2B
Emilie Montellier, Fayçal Boussouar, Sophie Rousseaux, Kai Zhang,
Thierry Buchou, François Fenaille, Hitoshi Shiota, Alexandra Debernardi,
Patrick Héry, Sandrine Curtet, Mahya Jamshidikia, Sophie Barral, Hélène
Holota, Aurélie Bergon, Fabrice Lopez, Philippe Guardiola, Karin
Pernet, Jean Imbert, Carlo Petosa, Minjia Tan, Yingming Zhao, Matthieu
Gérard, Saadi Khochbin