Les stratégies concernant l'approche de la maladie et les traitements doivent être mieux adaptées au sexe du malade.

Le cœur des femmes est plus fragile qu'on ne le croit. Pendant des années, toutes les études sur l'infarctus, le risque cardiaque, la prévention s'ingéniaient à trouver des solutions pour les hommes. Quelques femmes s'en sont indignées dans le monde et en France. Cette semaine dans le journal Global Heart, la revue de la Fédération mondiale pour le cœur, des chercheurs américains pointent les caractéristiques particu­lières des maladies cardiaques chez les femmes. Les facteurs de risque sont un peu différents, l'expression de la maladie aussi. Quant à la mortalité, elle est supérieure pour les femmes, après un infarctus. Il faut désormais prendre en compte ces nouvelles données, afin de mettre en place des stratégies de diagnostic et de traitement adaptées.

«Ces dernières années, un ensemble d'études a montré que non seulement l'atteinte cardiaque a été sous-estimée chez les femmes, mais qu'en plus, cette pathologie se développait différemment chez les femmes par rapport aux hommes», soulignent les docteurs Kavita Sharma et Martha Gulati (Université de l'Ohio, États-Unis). Certains facteurs de risque affectent les deux sexes différemment. Par exemple, l'obésité augmente le risque d'infarctus de 64 % pour les femmes et seulement de 46 % pour les hommes. Les femmes de moins de 50 ans ayant présenté une attaque cardiaque courent un risque d'en mourir deux fois plus grand que les hommes, à gravité équivalente. Pour celles de plus de 65 ans qui ont un infarctus, le risque de décès dans l'année qui suit est bien plus important: 42 % d'entre elles décèdent dans l'année, contre 24 % des hommes (résultats américains). Une des hypothèses pour expliquer ces plus mauvais résultats est que la prise en charge serait moins bonne pour les femmes avec, en particulier, un retard au diagnostic, du fait notamment du faux dogme voulant qu'elles soient moins vulnérables que les hommes aux pathologies cardiaques.

Un atavisme plus important

Plus surprenant, l'imagerie montre que les femmes ont tendance, contrairement aux hommes, à développer une altération des petites artères du cœur, avec atteinte de la microcirculation. «Alors qu'à l'imagerie elles ne semblent souvent pas présenter d'obstruction des artères coronaires principales, leurs symptômes sont liés à l'obturation de petits vaisseaux, précisent les chercheurs. Près de la moitié des femmes présentant des troubles cardiaques n'ont pas d'obstruction des ar­tères coronaires principales. Par ailleurs, sur le plan anatomique, les plaques d'athérome chez les femmes sont plus souvent caractérisées par des érosions

De surcroît, si les facteurs de risque traditionnels d'infarctus pour les hommes sont les mêmes chez les femmes - prédisposition familiale, hypertension, diabète, dyslipidémie, tabagisme, sédentarité -, certaines différences sont notables. Les femmes qui ont un parent au premier degré (père, mère, frère ou sœur) ayant souffert d'un infarctus présentent plus de risque d'en souffrir à leur tour que les hommes dans la même situation familiale. De même, le fait d'être diabétique multiplie le risque d'attaque cardiaque par un facteur de 3 à 7 (selon les études) pour les femmes contre 2 à 3 pour les hommes. Si le risque augmente chez l'homme de manière linéaire avec l'âge, il existe pour elles, une cassure de la courbe, qui s'élève de manière exponentielle après 60 ans.

Ce travail innovant se termine par des remarques sans appel: «Les femmes sont très largement affectées par les maladies coronariennes. C'est une des principales causes de mortalité pour elles. Les caractéristiques des maladies coronariennes des femmes sont spécifiques. Des données de plus en plus précises démontrent que certaines stratégies thérapeutiques doivent être adaptées au sexe du malade, affirment les scientifiques. Des recherches sont encore nécessaires pour mettre en place des méthodes de diagnostic et de traitement adaptées. Les maladies coronariennes ne sont pas des atteintes uniquement masculines.» Il était temps de s'en rendre compte.