Audrey Chauvet

NUCLEAIRE - Tepco, l'opérateur de la centrale japonaise, a avoué que de l'eau contaminée se déversait dans l'océan...

Plus de deux ans après le tsunami qui a dévasté la centrale nucléaire de Fukushima, la radioactivité continue à se répandre dans l'environnement. Ce mercredi, l'opérateur de la centrale japonaise, Tepco, a avoué que quelque 300 tonnes d'eau radioactive se déversaient quotidiennement dans l'océan Pacifique, résultat d'un mélange entre les eaux pluviales et les eaux de refroidissement des réacteurs.

Des solutions «de dernière minute un peu ridicules»

D'après Tepco, les nappes phréatiques situées sous la centrale sont en train de s'infiltrer dans les sous-sols de l'usine et saturent le système de décontamination des eaux de refroidissement. Toute cette eau chargée de césium, de tritium et d'autres éléments radioactifs risque ainsi de se déverser dans l'océan, contrairement à ce que soutenait Tepco depuis des mois. L'opérateur assurait, jusqu'à la fin du mois de juillet, que les eaux stagnaient sous terre. «Tepco vient d'avouer, après des mois de mensonges, qu'il y avait bien des fuites dans la mer, assène Thierry Salomon, président de l'association Négawatt. Cette eau est très fortement contaminée par des produits à fission longue et Tepco n'arrive pas du tout à maîtriser ce qui se passe

Si les chiffres donnés par Tepco sont toujours pris avec des pincettes par les experts, l’opérateur estime que la radioactivité des eaux souterraines a été multipliée par 47 entre le 31 juillet et le 5 août. Début juillet, un record de 900.000 becquerels par litre d’eau avait déjà été mesuré dans des puits situés sous la centrale. A comparer avec la radioactivité naturelle de la mer, qui n’est que d’environ 10 becquerels par litre. «On va assister, comme à Tchernobyl, à des phénomènes de reconcentration locale de la radioactivité par le lessivage dû à la pluie, commente Thierry Salomon. Face à cela, Tepco emploie des expédients de dernière minute un peu ridicules, comme mettre des filets pour empêcher que les poissons ne s’approchent de la centrale

Rassurer pour relancer les réacteurs                                       

L’opérateur, visiblement dépassé par les événements, devrait toutefois recevoir le soutien du gouvernement japonais. Le Premier ministre Shinzo Abe a ainsi déclaré ce mercredi que les autorités allaient s’impliquer davantage dans la gestion de l’eau contaminée et a qualifié le problème «d’urgent». «Stabiliser la centrale de Fukushima est notre défi. En particulier, l'eau contaminée représente un problème urgent qui suscite beaucoup d'inquiétude dans la population», a expliqué Shinzo Abe.

Un enjeu hautement politique pour ce nouveau gouvernement, élu en décembre 2012, qui a prévu de relancer le programme nucléaire du Japon. Les dernières annonces se passent ainsi dans un «contexte de tensions sur le redémarrage du nucléaire, auquel un grand nombre de citoyens japonais semblent plutôt réticents, pense Roland Desbordes, président de la Commission de recherches et d’informations indépendante sur la radioactivité (Criirad). Face au discours contradictoire de Tepco et à l’absence d’experts indépendants sur les lieux, le gouvernement se doit de prendre la position du gendarme.»

Mais pour la centrale de Fukushima, les problèmes ne s’arrêteront pas de sitôt. «L’Etat japonais a face à lui un chantier qui va durer 30 à 40 ans, explique Thierry Salomon. Et de toute façon, on ne résoudra pas le problème, on ne peut que diminuer la radioactivité. Cette catastrophe, c’est quand elle se produit que tout commence.»