Les pilotes qui volent à très haute altitude seraient trois fois plus exposés aux lésions cérébrales que les autres, rapporte une étude américaine.

Une étude publiée dans la revue américaine Neurology a démontré que les pilotes d'avions espions présenteraient trois fois plus de lésions cérébrales que les personnes ordinaires. Ces lésions seraient une conséquence à long terme des vols à très haute altitude. Si l'on connaît les suites des «accidents de décompression» dus à une perte de pressurisation en un court laps de temps, les spécialistes ne s'étaient pas encore penchés sur les risques de maladies dégénératives du cerveau qui pourraient être provoquées par des conditions de vol trop extrêmes.

Les 102 pilotes de l'armée de l'Air américaine observés par les chercheurs de l'Université du Texas ont tous un point commun: ils pilotent des avions Lockheed U-2, dont la particularité est de pouvoir voler jusqu'à 21.000 mètres d'altitude, soit deux fois plus haut que les avions de ligne. Toutefois, ces engins fabriqués dans les années soixante ne disposent que d'un cockpit partiellement pressurisé. Autrement dit, à 21000 mètres d'altitude, la pression atmosphérique dans le cockpit est aussi faible qu'au sommet du Mont Everest, qui culmine à plus de 8800 mètres d'altitude.

Afin de prévenir une partie des risques encourus par les pilotes, la médecine militaire a mis en place plusieurs dispositifs. Par exemple, les pilotes doivent respirer de l'oxygène pur avant d'effectuer un vol. La durée des vols à très haute altitude a aussi été écourtée, et le temps passé au sol entre deux missions doit désormais être supérieur à 9 heures.

La pression atmosphérique en cause

La pression relative d'oxygène et d'azote dans l'atmosphère et dans l'organisme serait responsable des lésions cérébrales des pilotes. En effet, au niveau de la surface terrestre, la pression veineuse et artérielle du corps humain est égale à la pression atmosphérique: les organes sont correctement oxygénés. En revanche, si l'on prend de l'altitude, cette pression va baisser. «A mesure que l'on prend de l'altitude, l'azote est relâché dans les tissus et crée des bulles dans les vaisseaux sanguins», explique au Figaro le Professeur Steve McGuire, auteur principal de l'étude. «Ce sont ces bulles qui créent les inflammations responsables des lésions cérébrales», précise-t-il. C'est pour cette raison que les cabines des avions de ligne reproduisent une pression atmosphérique optimale, équivalente à celle d'une station de ski (1800 mètres).

Les lésions repérées chez les pilotes seraient quatre fois plus importantes en volume que chez les autres personnes. De plus, contrairement aux symptômes en apparence inquiétants des accidents de décompression brutaux (ralentissement de la pensée, perte de réactivité, confusion, qui peuvent être traités immédiatement par une ré-oxygénation du cerveau), leurs lésions sont permanentes. Et elles touchent toutes les parties de la substance blanche - le centre du système nerveux - a contrario des lésions qui apparaissent naturellement avec l'âge dans la partie frontale. Les dommages peuvent alors être conséquents. Une autre étude, publiée en 2010 dans le British Medical Journal et menée par la chercheuse Stéphanie Debette sur un échantillon de population générale, montrait que des lésions cérébrales importantes pouvaient entraîner, entre autres, des arrêts cardiaques et la démence.

Pas de séquelles constatées

«À ce jour, il serait toutefois hasardeux d'étendre ces observations aux pilotes de lignes. Mais le cas des alpinistes et des pilotes privés, qui dépassent régulièrement 5000 mètres sans prendre de précautions particulières, mériterait d'être étudié», prévient le Pr Steve McGuire. Heureusement, les chercheurs américains précisent ne pas avoir encore décelé de séquelles permanentes tel que le déclin de la mémoire chez les pilotes observés pendant l'étude.