Source: BE Japon numéro 660 (30/08/2013) - Ambassade de France au Japon / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/ ... /73774.htm

La première rencontre du système immunitaire avec une menace potentielle est une expérience riche en enseignement. A travers un processus de recombinaison génétique, nos lymphocytes B sont capables de produire une large gamme de récepteurs membranaires (BCR, pour B-Cell Receptor), chacun reconnaissant une cible moléculaire distincte (antigène). Quand un lymphocyte B naïf (LBna) rencontre son antigène spécifique, une réponse immunitaire est initiée. Le lymphocyte B se différencie en plasmocyte et en lymphocytes B mémoires(LBmé). Le premier produit des anticorps ayant la même spécificité que le BCR, alors que le second "mémorise" la menace et devient capable de la reconnaître rapidement permettant ainsi de parer efficacement à une future rencontre avec l'antigène. En travaillant sur des souris génétiquement modifiées, l'équipe du professeur Tomohiro Kurosaki du Centre des sciences médicales intégratives du RIKEN à Yokohama a acquis une meilleure connaissance des mécanismes de mobilisation de ces cellules à mémoire.

Les LBmé sont capables de proliférer et se différencier très rapidement en plasmocytes producteurs d'anticorps suite à une deuxième exposition à leur antigène spécifique. Cependant le mécanisme moléculaire impliqué n'est pas clairement identifié. Les LBna produisent des BCR et des anticorps appartenant à la classe de protéines des immunoglobulines M (IgM). En revanche les LBm produisent des BCR et anticorps du type IgG grâce à un processus génétique appelé commutation de classe. Une hypothèse consiste à considérer que la forme IgG du BCR contient des éléments structurels qui stimulent la réponse du LBmé, une autre hypothèse favorise des mécanismes cellulaires indépendants des voies induites par les récepteurs IgG.

Lors d'une première expérience, les chercheurs ont travaillé sur des LBna à IgM et des LBmé à IgG spécifiques d'un même antigène connu: le nitrophénol. Conformément aux attentes, les LBna ont proliféré en réponse au nitrophénol tandis que les LBmé se sont rapidement différenciés en plasmocytes sécréteurs d'anticorps. Pour déterminer si l'IgG est directement responsable de cette différenciation, l'équipe du Pr Kurosaki a généré des clones de souris à partir de LBmé reconnaissant le nitrophénol.

Les animaux obtenus ont produit des LBna à IgG spécifiques du nitrophénol, ce qui ne se produit normalement pas dans la nature. Étonnamment, ces cellules ont répondu à la présence de nitrophénol en proliférant d'une manière tout à fait similaire à celles des LBna à IgM. Ceci suggère que les IgG seules ne conduisent pas à une réponse de type "mémoire". Une analyse comparative des niveaux d'expression des gènes a révélé un mécanisme alternatif contrôlé par une protéine appelée Bach2. Cette protéine est absente dans les LBmé, ce qui leur offre leur capacité accrue de production d'anticorps.

En révélant ce mécanisme indépendant de l'IgG, ces résultats font progresser le débat sur les fonctions des Lbmé. Mieux comprendre ces mécanismes est un enjeu majeur pour le développement des vaccins. Toutefois, cette découverte n'est qu'un point de départ et l'équipe du Pr Kurosaki s'est déjà engagée dans l'exploration des facteurs précurseurs qui interrompent la production de Bach2 dans les Lbmé.