Source: CNRS-INEE

Les invasions biologiques représentent l'une des plus grandes menaces qui pèsent sur la biodiversité. L'Union internationale pour la conservation de la nature a défini "100 espèces invasives parmi les pires à travers le monde". Une équipe de chercheurs (CNRS / Université Paris-Sud / Université Joseph Fourier Grenoble 1 / Université de Rennes 1 / MNHN / Institute for Environmental Protection and Research, Rome / Netherlands Environmental Assessment Agency) vient de montrer que les changements climatiques et les changements d'occupation des terres peuvent conduire à un bouleversement important dans la distribution spatiale de ces espèces invasives d'ici à 2100 ! Cette étude vient d'être publiée le 4 septembre dans Global Change Biology.

Une espèce est dite invasive quand, étant introduite dans un nouveau domaine géographique, elle s'y établit et y prolifère. Les espèces invasives ont en général un fort impact écologique et/ou économique. Les changements climatiques, y compris les événements climatiques extrêmes (tels que les tempêtes, les cyclones), peuvent accentuer les processus d'invasion. A cela s'ajoutent les activités humaines, telles que le transport transcontinental, la dégradation des terres et les systèmes agricoles, qui conduisent à la propagation de nombreuses espèces non indigènes. Par exemple, en Europe le nombre d'espèces invasives a augmenté de 76% au cours des 30 dernières années: on compte maintenant plus de 11000 espèces non-natives en Europe. Cette étude est primordiale car elle s'intéresse aux effets simultanés des changements climatiques et d'utilisation des terres, sur les invasions biologiques, ces dernières étant déjà très répandues et aux impacts sévères.

Les chercheurs ont combiné des modèles de distribution des espèces, des modèles climatiques mondiaux et des scénarios de changement d'occupation des sols. Tout cela a permis d'évaluer la vulnérabilité future des divers biomes (régions géographiques s'étendant sous un même climat) aux 100 des pires espèces invasives. Les résultats montrent, pour la première fois, que l'ampleur et la structure de l'invasion dans le monde devrait changer au cours du 21e siècle pour un large échantillon d'espèces envahissantes. Les chercheurs ont notamment identifié trois futurs points chauds d'invasion: en Europe, dans le nord-est américain et en Océanie. Ils ont également montré que certaines régions (à des latitudes inférieures) pourraient être moins favorables à la présence de ces espèces invasives dans le futur. Des opportunités de restauration d'espèces pourraient alors se présenter.

Étant donné les effets économiques, sanitaires et écologiques que peuvent induire ces espèces invasives, les changements d'aires de distribution de certaines de ces espèces pourraient avoir des conséquences majeures pour le futur de la biodiversité. Ces résultats rappellent que les gouvernements doivent réglementer l'importation des espèces via une liste noire, prévoir des alertes précoces et des cadres d'intervention rapide. Ces actions, élément clé des efforts mondiaux visant à atténuer les effets du changement climatique, sont décisives dans la prévention des invasions et écologiquement moins risquées que les interventions a posteriori.