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C'est une nouvelle étape dans l'exploration du potentiel des cellules souches induites, ces cellules prélevées sur des adultes et reprogrammées pour les rendre pluripotentes, c'est-à-dire capables de recréer tous les types cellulaires nécessaires à l'organisme. Une équipe de chercheurs espagnols conduite par Maria Abad (Centre national de recherche sur le cancer, Madrid) a réussi pour la première fois à fabriquer de telles cellules in vivo, chez des souris.

Les résultats de leurs expériences sont publiés dans la revue Nature du 12 septembre. Depuis leur mise au point en 2006-2007 par le Japonais Shinya Yamanaka - récompensé par le prix Nobel de médecine en 2012 -, ces cellules souches induites, aussi connues par leur acronyme anglais d'iPS (Induced Pluripotent Stem Cells), étaient créées uniquement en éprouvette. Leur potentiel est considéré comme équivalent à celui des cellules souches embryonnaires, "étalon or" des cellules souches.

Pour parvenir à leurs fins, Maria Abad et ses collègues ont conçu des lignées de souris transgéniques possédant les quatre facteurs de croissance nécessaires à la reprogrammation de cellules adultes en iPS. Puis le processus a été activé par un produit (la doxycycline) mis dans l'eau de boisson de ces rongeurs. En deux semaines, les souris ont développé des tératomes, c'est-à-dire des tumeurs contenant, sous une forme plus ou moins organisée, tous les types cellulaires. Pour les chercheurs, la présence de telles tumeurs signifie qu'il y a bien eu reprogrammation.

De plus, ils ont réussi à mettre en évidence des iPS dans le sang des souris reprogrammées et des marqueurs indirects de ces cellules dans des organes comme l'estomac, le pancréas et le rein. Maria Abad et ses collègues ont même eu la surprise de constater que les iPS ainsi générées avaient davantage de capacités que les iPS "classiques" obtenues in vitro, voire plus que les cellules souches embryonnaires. Elles étaient en effet capables de se différencier en n'importe quel type de cellule embryonnaire, mais aussi en cellule précurseur d'annexe de l'embryon, comme le placenta.

Les chercheurs essaient maintenant d'élucider pourquoi leurs iPS ont ces super-pouvoirs. Ces travaux laissent-ils espérer la possibilité de reprogrammation in vivo chez l'homme pour régénérer le foie, le cœur ou tout autre organe ? "Nous en sommes encore loin", a estimé Manuel Serrano, un des membres de l'équipe espagnole, lors d'une conférence de presse téléphonique organisée par la revue Nature. L'approche paraît séduisante, mais sa faisabilité chez l'homme et surtout son innocuité restent à démontrer.