Un rapport remis mardi à Christiane Taubira recommande un système d'amende applicable lorsque le pollueur a "commis intentionnellement une faute grave".

La ministre de la Justice Christiane Taubira recevra mardi un rapport sur l'inscription du "préjudice écologique" dans le code civil, qui devrait notamment proposer la création d'une "haute autorité environnementale". Ce rapport a été rédigé par un groupe présidé par Yves Jégouzo, professeur émérite de droit public, et composé de magistrats, universitaires, avocats, spécialistes du droit de l'environnement, ainsi que d'experts des ministères de l'Écologie et de l'Environnement, et de l'Économie et des Finances. Le préjudice écologique avait été reconnu dans le procès de l'Erika, pétrolier qui avait fait naufrage en 1999 au large des côtes bretonnes, en première instance en 2008, en appel en 2010, et confirmé par la Cour de cassation en 2012.

Les juristes avaient salué cette décision "novatrice" qui permettait de faire indemniser les conséquences d'une marée noire sur la faune et la flore, indépendamment des dommages causés à l'économie ou à l'image, tout en soulignant la nécessité de l'introduire par la loi dans le code civil. Le rapport devrait définir le préjudice écologique comme "résultant d'une atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu'aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement". L'action en réparation devrait être "encadrée", selon le texte, qui propose de la réserver au parquet, à l'État et à ses établissements spécialisés, aux associations de protection de l'environnement et aux collectivités territoriales.

Amende jusqu'à 2 millions d'euros

Le texte "souhaite la création d'une autorité administrative indépendante garante du respect de l'environnement", suggérant qu'elle "fusionne des entités déjà existantes", sans précisément lister lesquelles. "Cette haute autorité aurait une mission générale d'évaluation, de régulation et de vigilance quant à la prévention et la réparation des dommages causés à l'environnement", qui recommande également la création de juridictions spécialisées. Concernant la réparation du préjudice, le rapport préconise la primauté de la "réparation en nature", c'est-à-dire la remise en état. En cas "d'impossibilité, d'insuffisance ou de coût économiquement inacceptable d'une telle réparation", le juge peut accorder des dommages et intérêts financiers.

Le rapport préconise également de mettre en œuvre un système d'amende applicable lorsque le pollueur a "commis intentionnellement une faute grave, notamment lorsque celle-ci a engendré un gain ou une économie pour son auteur". Ces amendes pourraient aller jusqu'à deux millions d'euros, ou 10 fois le gain réalisé, voire 10 % du chiffre d'affaire mondial pour les entreprises. Les sommes provenant des mesures de réparation et des amendes seraient gérées par un "Fonds de réparation environnementale", suggère enfin le rapport. En mai, le Sénat avait adopté à l'unanimité une proposition de loi du sénateur UMP Bruno Retailleau visant à inscrire le préjudice écologique dans le code civil.

Celle-ci comporte un seul article qui déclare que "toute personne qui cause un dommage à l'environnement est tenue de le réparer" et que la réparation "s'effectue prioritairement en nature". La ministre de la Justice, Christiane Taubira, sans s'opposer au texte, avait alors souligné qu'elle attendait la remise du rapport du groupe Jégouzo et entendait présenter un projet de loi sur le sujet à la fin de l'année. Elle s'était engagée à intégrer les travaux des sénateurs dans son projet de loi.