Source: CNRS

L'imagerie de fluorescence, très importante tant en biologie qu'en médecine, permet d'observer le vivant en mouvement. Seulement, dans ce domaine, les marqueurs entrent très souvent en compétition avec la fluorescence naturelle du milieu biologique. En effet, cette auto-fluorescence peut constituer une nuisance importante à l'observation sous lumière visible... Sous lumière proche infrarouge en revanche, elle est quasi nulle. Les premiers marqueurs stables, non toxiques et suffisamment performants sous lumière proche infrarouge pour une exploitation en imagerie de fluorescence, viennent d'être mis au point par des chercheurs du Centre de biophysique moléculaire du CNRS à Orléans (CBM), en collaboration avec l'Université de Pittsburgh (USA). Un nouvel outil d'exploration du monde vivant en temps réel s'offre aujourd'hui aux biologistes et probablement dans le futur aux cliniciens. Ces travaux paraissent sur le site de la revue PNAS la semaine du 7 octobre 2013.

L'imagerie de fluorescence est une technique émergente dans le domaine des applications biomédicales: elle permet d'observer et suivre une cible spécifique (constituants de la cellule, agent pathogène, principe actif...) tant dans une cellule que dans un organisme entier, en temps réel et de manière non-invasive. Pour ce faire, on utilise des marqueurs: des molécules fluorescentes qui vont cibler les parties que l'on souhaite voir et les mettre en relief lors de l'observation.

La limite à ces observations provient de la fluorescence naturelle des composants biologiques qui vient parasiter le signal émis par les agents d'imagerie. Utiliser la lumière proche infrarouge permet de s'affranchir de ce phénomène. En effet, ce type de lumière interagit moins avec les composants des tissus, ce qui permet d'améliorer la qualité des images et d'augmenter la sensibilité de détection. Actuellement, il existe très peu de marqueurs fluorescents efficaces pour l'imagerie biologique dans le proche infrarouge. Les quelques agents commerciaux disponibles sont souvent très sensibles à la lumière et se dégradent très vite provoquant la disparition de leur fluorescence (photo blanchiment) ou sont relativement toxiques.

Les molécules à base de lanthanides émettent un signal de fluorescence très faible dans le proche infrarouge ce qui rend leur utilisation pour l'imagerie impossible. Le challenge relevé ici par les chercheurs orléanais a été de développer un composé dont la structure va permettre de multiplier le nombre de lanthanides par unité de volume afin d'augmenter considérablement la sensibilité de détection.

Ce sont grâce à des matériaux poreux appelés MOFs (metal-organic frameworks) (1) que les scientifiques du CBM dirigés par Stéphane Petoud, chercheur à l'Inserm, ont pu obtenir une fluorescence significative de ces composés dans le proche infra-rouge. Il a été montré que ces composés à base de lanthanides luminescents ont une faible toxicité et une bonne résistance dans l'eau, élément essentiel pour des applications en biologie. La stratégie développée a permis d'obtenir les premières images de microscopies avec des composés à base de lanthanides luminescents émettant dans le proche infrarouge en cellules vivantes.

Ce travail est le fruit d'une recherche multidisciplinaire à l'interface entre la chimie, la biologie et la physique. Ces premiers résultats sont très prometteurs pour le développement d'agents d'imagerie efficaces dans le proche infrarouge utilisables en recherche biologique et à terme, en clinique.

Note: (1) Les MOFs sont des nanoparticules rigides et poreuses, déjà utilisées pour des applications comme le stockage de gaz, les piles à combustibles, la catalyse et beaucoup plus récemment la délivrance de molécule thérapeutiques et l'imagerie (principalement IRM).
Référence: Lanthanide near infrared imaging in living cells with Yb3+ nano Metal Organic Frameworks, Alexandra Foucault-Collet, Kristy A. Gogick, Kiley A. White, Sandrine Villette, Agnès Pallier, Guillaume Collet, Claudine Kieda, Tao Li, Steven J. Geib, Nathaniel L. Rosi, Stéphane Petoud, PNAS. En ligne semaine du 7 octobre 2013.