Selon des chercheurs américains, le beurre de cacahuète pourrait permettre de dépister la maladie d'Alzheimer à un stade précoce. Comment ? En observant si les patients sentent bien ou non l'odeur caractéristique de cette substance.

Plus de 850.000 personnes sont aujourd'hui atteints de la maladie d'Alzheimer en France. Un chiffre qui pourrait grandement augmenter dans les années à venir si on en croit les estimations des spécialistes. Dépister cette pathologie neurodégénérative le plus tôt possible est donc devenu un enjeu crucial pour les médecins, afin de mettre en place une prise en charge précoce et de ralentir l'évolution de la maladie. 

Dans ce but, des scientifiques américains ont mis au point une technique de dépistage plutôt inattendue. Une technique qui fait appel... au beurre de cacahuète. Comme son nom l'indique, cette pâte crémeuse est fabriquée à partir de cacahuètes et présente une odeur particulièrement caractéristique. Or, si la maladie d'Alzheimer s'attaque surtout aux fonctions mentales, elle a également un impact sur le sens de l'odorat, ont démontré plusieurs études. Les patients présentent ainsi souvent une perte de sensibilité qui les empêchent de détecter certaines odeurs.

Pourtant, le sens de l'odorat n'est jamais testé chez les malades. C'est ce qu'a constaté Jennifer Stamps, scientifique au McKnight Brain Institute Center for Smell and Taste. En travaillant avec le Dr. Kenneth Heilman de l'University of Florida, elle a ainsi eu l'idée de mettre au point un test rapide faisant appel à ce sens qui permettrait de détecter une éventuelle perte de l'odorat. C'est là qu'elle a pensé au beurre de cacahuète qui possède une "odeur pure", d'après la diplômée citée dans un communiqué de l'University of Florida.

Du beurre de cacahuète sous le nez

Le sens de l'odorat est associé au premier nerf crânien. C'est ainsi l'un des premiers éléments affectés en cas de déclin cogntif. Pour tester son approche, Stamps, Heilman et leurs collègues ont mené une expérience sur plusieurs types de patients : 18 étaient potentiellement atteints de la maladie d'Alzheimer, 24 avec un trouble cognitif modéré, 26 souffraient de formes de démence et 26 étaient en bonne santé. L'étude a consisté à exposer les narines de ses patients à 14 grammes de beurre de cacahuète contenus dans un petit pot. Les sujets devaient fermer les yeux, la bouche et bloquer l'une de leurs narines. Ils devaient cependant continuer de respirer normalement. De là, les scientifiques ont approché le pot ainsi qu'une règle de la narine non bloquée, centimètre par centimètre. Dès que le patient sentait l'odeur, ils ne bougeaient plus et notaient la distance entre la narine et le pot sur la règle. 90 secondes après, l'expérience était répétée avec l'autre narine. Durant tous les essais, les scientifiques ignoraient de quel type de patient il s'agissait.

Une différence entre les narines

L'équipe a alors constaté que les patients souffrant de la maladie d'Alzheimer à un stade précoce montraient une différence importante entre la narine droite et la gauche. La narine gauche semblait atteinte et ne détectait les odeurs que lorsque que le pot était approché à 10 centimètres de plus en moyenne que pour la narine droite. Ce n'était en revanche pas le cas chez les patients atteints d'autres formes de démence qui montraient soit aucune différence, soit une narine gauche sensiblement plus performante que la droite.
Chez les 24 patients présentant des troubles cognitifs, 10 ont montré un problème au niveau de la narine gauche quand les 14 autres n'ont pas présenté de différence. "Les portions du cortex olfactif sont les premiers sites impactés par la maladie d'Alzheimer, et les patients atteints montrent souvent une dégénérescence plus importante au niveau de l'hémisphère gauche qu'au niveau du droit", expliquent les auteurs dans la revue Journal of Neurological Sciences. D'où les différences observées ici entre les narines.
Un test pour confirmer le diagnostic
Au vu des résultats obtenus, les chercheurs pensent donc que le test du beurre de cacahuète pourrait être efficace pour dépister la maladie à un stade précoce. "Ce test de détection d'odeur de la narine droite, à la fois non-invasif et peu coûteux, semble être un test sensible et spécifique pour dépister la maladie", écrivent-ils dans un communiqué. Toutefois, davantage d'études doivent être menées avant de valider l'approche et savoir si elle peut réellement être utilisée. "Pour l'instant, nous pouvons employer ce test pour confirmer un diagnostic. Mais nous prévoyons d'étudier des patients atteints de troubles cognitifs modérés pour voir si le test pourrait être utilisé pour déterminer si des patients vont développer la maladie d'Alzheimer", a expliqué Jennifer Stamps. En attendant ce test pourrait être utilisé dans des cliniques qui n'ont pas tout de suite accès à des tests ou des équipements plus élaborés pour détecter la maladie.