Grâce à une nouvelle approche des variations climatiques, des chercheurs prévoient que la température de la Terre pourrait ne pas repartir à la hausse avant les années 2030. 

La pause dans le réchauffement climatique enregistrée depuis 1998 et confirmée par le dernier rapport du Giec met les laboratoires en ébullition. Il s’agit de trouver un modèle qui soit en mesure d’expliquer un phénomène qui apparaît comme du pain béni pour les climatosceptiques qui nient l’origine anthropique de l’augmentation de la température terrestre.

Dans l’avalanche de travaux rendus publics, on trouve ceux de Marcia Wyatt et Judith Curry, présidente de l’école des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’institut de technologie de Géorgie, aux Etats-Unis. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Climate Dynamics.

Dans son cinquième rapport scientifique, le Giec a qualifié de «variabilité du climat imprédictible» cette période de 15 ans pendant laquelle le réchauffement s’est très fortement ralenti. Une façon de dire que la cause de cette pause reste inconnue.

Pour Marcia Wyatt et Judith Curry, il s’agirait d’un phénomène prédictible si l’on fait appel à leur modèle qui s’inspire de la «vague de stade», cette ola provoquée par les spectateurs qui se lèvent à tour de rôle et produisent une impression de vague se propageant dans le public. De la même façon, la vague de stade du climat se propage dans l’hémisphère nord à travers un réseau formé par l’océan, la glace et les régimes de circulation atmosphérique qui s’auto-organisent suivant un tempo collectif.

Cette hypothèse pourrait non seulement expliquer la "pause" actuelle du réchauffement mais permettre aussi d’en évaluer la durée. Les deux scientifiques ont identifié deux facteurs clés à l’origine de la propagation et du maintien de la ola climatique. Il s’agit de l’oscillation multi-décennale atlantique (OMA) et de la couverture de glace sur les mers de l’Arctique eurasien. C’est l’AMO qui donne le rythme tandis que la glace de mer établit un lien entre l’océan et l’atmosphère.

La nature de l’oscillation peut être imaginée comme un freinage dans lequel les actions positives et négatives provoquent des renversements dans les régimes de circulation. Résultat: des périodes de plusieurs décennies de réchauffement et de refroidissent qui évoluent de façon ordonnée dans le temps et dans l’espace.

S’il n’est pas strictement périodique, le phénomène se reproduit de façon régulière. D’après la thèse de doctorat soutenue par Marcia Wyatt en 2012 à l’université du Colorado, la ola climatique existerait depuis 300 ans.

La nouvelle étude analyse les données produites par l’atmosphère et les glaces depuis 1900. Elle exclut les composantes linéaires pour se concentrer sur les éléments multi-décennaux de la variation naturelle.

A l’aide d’une méthode statistique, des motifs de variation ont été identifiés et utilisés pour caractériser la ola. Le retrait des facteurs d’évolution à long terme dans les données a éliminé le forçage radiatif dû aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre comme le CO2.  Il apparaît ainsi que la ola sous-jacente agit périodiquement pour amplifier ou atténuer la tendance à long terme de l’augmentation de la température moyenne.

«Le signal de la "vague de stade" prédit que la pause actuelle du réchauffement pourrait se prolonger jusques dans les années 2030», déclare Marcia Wyatt. Pour Judith Curry, ce résultat contredit les prévisions du quatrième rapport du Giec qui table sur une reprise rapide du réchauffement provoquant une montée de la température moyenne de 0,3 à 0,7°C entre 2016 et 2035.

L’étude propose également une explication à un autre phénomène surprenant: la poursuite de la fonte des glaces aux pôles pendant la période actuelle de stagnation de la température moyenne. Pour les deux scientifiques, cette situation est transitoire et la ola climatique permettrait de prévoir un refroidissement de l’océan nord-atlantique au cours de prochaines décennies ce qui engendrerait une extension des glaces de l’Arctique eurasien.

Pour Marcia Wyatt, les prévisions obtenues avec la «vague de stades» montrent que la surface de glace de mer, qui a atteint un minimum en 2012, va repartir à la hausse comme l’augmentation de 2013 semble l’annoncer.

L’un des intérêts majeurs de ce nouveau travail réside sans doute dans l’analyse d’autres phénomènes climatiques que celui qui concentre l’attention, c’est à dire le rôle des émissions de CO2 dans l’atmosphère dûes aux activités humaines. Marcia Wyatt et Judith Curry précisent que leur travail sur la ola climatique n’a pas pour objet de confirmer ou de contester l’impact du forçage radiatif anthropique sur le réchauffement. Elles s’inscrivent dans la nouvelle vague d’études qui se concentrent sur d’autres phénomènes à l’œuvre au sein de la machinerie extraordinairement complexe du climat de la Terre.

M.A.