Source: CNRS-INEE

Passée au scanner par une équipe internationale de scientifiques, dont deux chercheurs CNRS, cette "momie" de grenouille conservée dans les collections du Muséum national d'Histoire naturelle a révélé un crâne et un squelette en grande partie intacts. Une belle surprise qui a permis d'estimer l'âge du batracien - entre 34 et 40 millions d'années - et de résoudre une énigme paléontologique.

C'est un magnifique caillou exposé dans la galerie de paléontologie du Muséum d'histoire naturelle. Trouvée au 19e siècle dans les Phosphorites du Quercy, cette "momie naturelle", ainsi qu'on a coutume d'appeler les fossiles préservant la forme externe de l'animal, restait muette quant à sa classification et à son âge exact. "A l'époque, les fossiles de différents gisements ont été mélangés, ce qui rendait impossible la datation", explique Jean-Claude Rage, chercheur CNRS au département Sciences de la Terre du Muséum d'Histoire naturelle. Il a donc été décidé d'utiliser un scanner à rayons X afin d'en savoir plus sur le batracien. "Personnellement, je craignais que l'intérieur soit complétement détruit, confie le chercheur, mais c'est au contraire un crâne et un squelette largement intacts qui sont apparus sur l'image en 3D."

A la grande surprise des scientifiques, le crâne de la momie est identique à celui, déjà connu dans le registre fossile, d'une autre grenouille ancienne, Thaumastosaurus gezei, provenant également des Phosphorites du Quercy et datée entre 40 et 34 millions d'années. "On avait l'âge et l'espèce de la momie... Seul problème: sa ceinture pectorale et sa colonne vertébrale, typiques des ranoïdes, ou grenouilles communes, ne correspondaient pas au scénario précédemment élaboré sur Thaumastosaurus", raconte Jean-Claude Rage.

Auparavant, seul le crâne de Thaumastosaurus gezei était connu, et sur cette base, les chercheurs avaient conclu que l'espèce était apparentée à un groupe de grenouilles typiquement sud-américain, les cératophryidés. Or, pour passer en Europeles grenouilles avaient forcément traversé l'Amérique du Nord, où l'on n'en trouve pourtant aucune trace fossile... "Grâce aux informations fournies par la momie, on sait désormais que Thaumastosaurus est plus certainement apparentée à un groupe africain de ranoïde", conclut le paléontologue. C'est la deuxième surprise de cette étude: car, si on connaissait l'existence d'échanges fauniques entre l'Afrique et l'Europe à cette période, on n'avait jamais établi que des grenouilles avaient fait le voyage...

Référence:A Re-Interpretation of the Eocene Anuran Thaumastosaurus Based on MicroCT Examination of a 'Mummified' Specimen, publié le 25 septembre dans Plos One par Fabien Laloy, Jean-Claude Rage, Susan E. Evans, Renaud Boistel, Nicolas Lenoir et Michel Laurin.