La chorale de l'église Saint-Thomas de Leipzig, dont Jean-Sébastien Bach fut le directeur entre 1723 et 1750, est en manque de soprano. Les jeunes chanteurs seraient atteints de puberté précoce.

Atlantico: D’après un article du New York Times Magazine, le célèbre chœur masculin de l’église Saint-Thomas de Leipzig aurait de plus en plus de mal à trouver de jeunes sopranos, et pour cause, ils muent trop vite. Ceci serait l’une des conséquences de la précocité de la puberté.  Mais quelles sont donc les causes de cette puberté précoce chez les jeunes garçons ? Sont-ils autant touchés que les jeunes filles ?

Michel Colle: Cet article m’a beaucoup étonné, on y parle exclusivement des garçons, or les données que l’on possède concernant le démarrage de la puberté concerne essentiellement les filles. Le mécanisme du contrôle de la puberté est différent chez les filles et les garçons. La puberté précoce est de fait beaucoup plus rare chez les garçons. La puberté précoce se définit par des signes de puberté qui commencent avant l’âge de 10 ans pour les garçon, et huit pour les filles. Si, comme dans l’article, un jeune garçon commence sa puberté à 12 ans, ce peut être gênant pour une chorale, certes, mais il n’y a rien de pathologique, c’est tout à fait normal ! Deuxièmement, la mue de la voix est un signe tardif de puberté, si la puberté commence à 12 ans, la voie mue vers 14 ans. Cela paraît improbable que cette chorale ait recruté un nombre important de pubères précoces. Je déplore ce qui arrive à ces directeurs de chorale, mais j’ai du mal à le croire. D'ailleurs, les garçons sont plus souvent concernés par une puberté qui ne s'est pas encore engagée.

La puberté précoce est plus difficile à percevoir chez les jeunes garçons. La première manifestation est l’augmentation du volume des testicules chez les garçons, alors que chez les filles la puberté est plus visible avec l’augmentation de la poitrine. Mais si vous avez un petit garçon de 10 ans qui commence à avoir les testicules qui augmentent de volume, il va rapidement avoir les poils qui poussent, la croissance qui s’accélèrent mais la mue aura lieu une bonne année plus tard.

Concernant les causes de la puberté précoce, elles sont plurielles mais différentes en fonction du sexe. Chez les filles en général, la puberté précoce est un phénomène idiopathique, on ne trouve pas en général de cause pathologique. Alors que chez les garçons, on trouve une cause pathologique qui se trouve au niveau de l’hypothalamus ou des régions para- hypothalamiques, des centres qui commandent la puberté. En faisant un IRM on peut trouver une petite tumeur, qui n’est pas toujours méchante, mais mal placée, sur des voies neuroendocriniennes qui modifient les circuits de commande du démarrage de la puberté. Sur 10 enfants qui font une puberté précoce, 7 vont être des filles. Sur les 7 filles, on ne trouvera que très rarement une tumeur, alors que chez les trois garçons vous risquez de trouver, pour les 2/3 des cas, une cause pathologique.

L’âge de début de la puberté diminue, chez les filles notamment, c’est objectif, pour des raisons principalement nutritionnelles, elles atteignent une masse critique de leur corps aptes à faire démarrer la puberté plus tôt qu’avant. Quand le corps atteint une certaine masse, c’est l’un des indicateurs pour les zones du cerveau qui commande la puberté qui autorise le déclenchement de la puberté. Par ailleurs des perturbateurs endocriniens, dérivés de produits, de pesticides, qui se comportent comme des sortes d’hormones, ont des conséquences sur l’individu et la puberté précoce. Chez les garçons, ces perturbateurs endocriniens sont plutôt accusés d’entrainer une augmentation du nombre des anomalies, des malformations génitales, comme la cryptorchidie. Mais nous n’avons pas pour l’instant prouvé que les interrupteurs hormonaux, les polluants environnementaux étaient une cause de l’âge de la puberté chez le garçon.

Quels sont les effets notables de la puberté précoce sur ces jeunes ? Et dans l’avenir ?
Les éventuelles conséquences sont essentiellement des retentissements psychologiques et physique, notamment sur la croissance et la taille finale. Pourquoi ? Quand les hormones féminines sont fabriquées tôt, elles interagissent plus tôt sur les cartilages de croissance, qui sont les parties des os qui font grandir l’enfant, ils se calcifient plus rapidement qu’il ne faudrait, et quand ils sont tous calcifiés, la croissance s’arrête. Comme toutes les petites filles du monde s’arrêtent de grandir à 15 ans d’âge osseux, si une petite fille de 10 ans arrive à 15 ans d’âge osseux, elle s’arrêtera de grandir à 10 ans. Il n’y a pas d’études qui montrent que les petites filles qui ont vécues une puberté précoce auraient plus de problèmes de santé, mais on ne peut pas nier que ces jeunes filles aient un risque supérieur d’avoir un cancer du sein. Il y a une relation entre la fréquence de survenue du cancer et la durée de l’exposition aux hormones féminines. Donc ces petites filles peuvent avoir un risque supérieur de développer ce cancer ou plutôt elles le développeront plus tôt.


Doit-on freiner la puberté précoce ? De quelle manière ?

Il faut apprécier le caractère évolutif de la puberté, l’évolution des premiers signes de la puberté peut évoluer lentement, dans ce cas, nous n’imposons pas de traitement pour freiner leur puberté. Mais d’autres ont une puberté qui évolue très rapidement, il y a un risque de bloquer leur croissance de façon prématurée. On leur donne un traitement médicamenteux, qui bloque les récepteurs aux hormones de l’hypothalamus et du cerveau, compte tenu de l’âge, de la taille de l’enfant. On arrête le traitement aux environs de 11 ans.