Source: Dominique Nancy - Université de Montréal - (Images fournies par M. Martel)

Richard Martel et son équipe de recherche du Département de chimie de l'Université de Montréal ont découvert une méthode pour affiner la détection de l'infiniment petit. Leur découverte est présentée dans le numéro en ligne du 24 novembre de la revue Nature Photonics. Grâce à l'alignement de molécules de colorants encapsulées dans un nanotube de carbone, les chercheurs ont réussi à amplifier le signal Raman jusqu'ici pas assez puissant de ces colorants pour permettre leur détection. L'article présente les données expérimentales d'une diffusion extraordinaire de lumière visible sur une particule de taille nanométrique.

"La diffusion Raman contient de l'information sur les modes de vibration des molécules, ce qui équivaut à relever leurs empreintes digitales. C'est un peu comme un code à barres, explique le professeur de renommée internationale. Le signal Raman est propre à chaque molécule et donc très utile pour la repérer."

Le mode de diffusion Raman est un phénomène optique mis au jour en 1928 par le physicien Chandrashekhara Venkata Râman. L'effet consiste en la diffusion inélastique d'un photon, c'est-à-dire le phénomène physique par lequel un milieu peut modifier la fréquence de la lumière qui y circule. Ce décalage correspond à un échange d'énergie (longueur d'onde) entre le rayon lumineux et le milieu. Ainsi, la lumière diffusée n'a pas la même longueur d'onde que la lumière incidente. Cette technique s'est largement répandue depuis l'apparition du laser dans l'industrie et le milieu de la recherche.

Mais jusqu'à ce jour, le signal Raman des molécules était trop faible pour répondre efficacement aux besoins en imagerie optique. Les chercheurs avaient donc recours à d'autres techniques optiques plus sensibles mais moins précises, car elles ne possèdent pas de "code à barres". "Il est toutefois possible techniquement de voir les signaux Raman avec un spectromètre lorsque la concentration des molécules est assez élevée, indique M. Martel. Mais cela limite les applications du Raman."

Ce que l'équipe de Richard Martel a découvert, c'est que la diffusion Raman d'une particule colorant-nanotube est si grande qu'une seule particule de ce type peut être localisée et identifiée. Il suffit d'employer un lecteur optique capable de détecter cette particule et de déterminer son spectre vibrationnel.

"En intégrant ce type de nanoparticules dans un objet, on peut assurer une traçabilité à toute épreuve, résume M. Martel. Grâce à leur structure unique, les nanotubes de carbone, qui sont des conducteurs électriques, peuvent servir de contenants à diverses molécules. Associés à un colorant, ils forment des nanotraceurs qui permettent de complexifier et de décupler la force du signal Raman obtenu."

Traceurs moléculaires

Composé d'une centaine de molécules colorées et alignées dans le cylindre, le nanotraceur est 50 000 fois plus petit qu'un cheveu. Il mesure environ un nanomètre de diamètre et 500 de long. Et pourtant les particules colorées encapsulées dans le nanotube de carbone donnent un signal Raman un million de fois plus intense que celui des autres molécules autour de l'objet.

Selon le professeur Martel, les applications pouvant découler de cette découverte sont nombreuses. En médecine, ces nanotraceurs pourraient conduire à des diagnostics plus précis et à des traitements plus efficaces en s'agrippant à la surface des cellules malades. Ces marqueurs modifiés spécifiquement pourraient en effet être greffés sur des bactéries, voire des protéines, ce qui permettrait de les repérer simplement.

On peut aussi imaginer un douanier qui scannerait notre passeport avec un mode Raman multispectral (aux signaux multiples). Ces nanotraceurs pourraient également être utilisés dans les encres des billets de banque, rendant la contrefaçon presque impossible.

La beauté de la chose, affirme Richard Martel, c'est que le phénomène est général et plusieurs types de colorants peuvent servir à la fabrication des nanotraceurs, dont les "codes à barres" sont tous différents. "On a fabriqué jusqu'ici plus de 10 traceurs et il semble qu'il n'y a pas de limite, dit-il. On pourrait donc en principe créer autant de nanotraceurs qu'il y a de bactéries et utiliser ce principe pour les déceler avec un microscope fonctionnant en mode Raman."

Outre Richard Martel, E. Gaufrès, N. Y.-Wa Tang, F. Lapointe, J. Cabana, M.-A. Nadon, N. Cottenye, F. Raymond, tous de l'Université de Montréal, ainsi que T. Szkopek, de l'Université McGill, ont contribué à cette découverte.