Par Soline Roy

Surpoids et manque d'activité font que leurs capacités cardio-vasculaires sont moindres que celles de leurs parents au même âge. Ils pourraient être la première génération à vivre moins longtemps que la précédente.

Les enfants sont de moins en moins endurants: leurs capacités cardio-vasculaires sont inférieures de 15 % à ce qu'étaient celles de leurs parents au même âge, selon une étude non encore publiée, mais présentée aux sessions scientifiques 2013 de l'American Heart Association, à Dallas.

L'équipe de Grant Tomkinson, de l'université d'Australie-Méridionale, a analysé 50 études menées entre 1964 et 2010, évaluant l'endurance de plus de 25 millions d'enfants âgés de 9 à 17 ans et vivants dans 28 pays (des pays riches pour la plupart). Une analyse statistique a permis de comparer leur condition physique selon deux critères: quelle distance ils pouvaient parcourir en un temps donné (entre 5 et 15 minutes), et combien de temps ils mettaient pour parcourir une distance donnée (un demi à un mile, soit 800 mètres à 1,6 kilomètre).

Ils courent moins vite et moins longtemps

Conclusion des chercheurs australiens: les enfants d'aujourd'hui courent moins vite, et moins longtemps que leurs parents ne le faisaient au même âge. Depuis les années 1970, tous les dix ans, les enfants ont perdu en moyenne 5% de leurs capacités cardio-vasculaires. Des résultats valables pour les filles comme pour les garçons, quel que soit l'âge et (avec quelques menues variations toutefois) quel que soit le pays.

«Nous n'avons pas de données complètes avant 1975, mais cela semble être le point de basculement où les choses ont commencé à empirer. Les deux principaux coupables semblent être l'augmentation du poids des enfants et leur moindre pratique d'une activité physique prolongée et vigoureuse», explique Grant Tomkinson au Figaro. En effet, dans chaque pays, la perte d'endurance est proportionnelle à l'augmentation du poids. «De 30 à 60% de la perte d'endurance à la course peut être expliquée par l'augmentation de la masse graisseuse», conclut le chercheur.

Espérance de vie

La situation semble cependant être moins mauvaise en France qu'ailleurs. «Nos données françaises, sur plus de 7000 enfants dont les performances ont été mesurées entre 1987 et 2000, montrent que leurs capacités ont diminué d'environ 2% par décennie. Ce qui est substantiellement moins que la baisse observée ailleurs dans le monde pour la même période», précise Grant Tomkinson au Figaro.

«L'ampleur de l'étude est impressionnante, admet le Pr François Carré, cardiologue du sport à l'université Rennes-I et auteur de Danger sédentarité (Cherche-Midi).  C'est un cri d'alarme. Il faut que l'on arrive à refaire bouger les gens, sinon notre génération ou la génération qui nous suit vivra peut-être moins longtemps que les précédentes. Ce n'est jamais arrivé dans l'histoire de l'humanité

Les dangers de la position assise

François Carré retrouve les mêmes chiffres, à plus petite échelle, lors de tests d'efforts faits par des étudiants en médecine: «Il y a dix ans, les jeunes hommes consommaient 40 ml d'oxygène par minute et par kilo. Aujourd'hui, ils n'en consomment que 35 ou 36.» Sans compter, insiste-t-il, que le temps passé en position assise augmente, «et cela aussi est délétère. Aujourd'hui, on différencie l'inactivité physique et la sédentarité, qui est le fait de rester assis. Or il ne suffit pas de faire du sport, encore faut-il éviter le reste du temps de demeurer trop longtemps assis. Les gens qui restent le plus longtemps assis dans la journée ont un niveau d'inflammation et de stress oxydatif plus élevé, ce qui favorise diabète, hypertension, cholestérol, etc. Et cela indépendamment du niveau d'activité physique réalisé par ailleurs. On le sait depuis les années 1990: plus vous passez de temps en position assise, et moins votre espérance de vie est longue

Il semblerait même que toutes les positions assises ne se valent pas: «Le temps passé assis à lire un livre paraît moins délétère que le temps passé assis devant un écran de télévision», ajoute François Carré.

Capital santé

En France, un enfant sur deux seulement respecte les recommandations des autorités de santé, qui préconisent une heure d'activité physique par jour (une demi-heure pour les adultes). C'est d'autant plus dommageable que bouger dans l'enfance permet de constituer un «capital santé», en évitant le surpoids (que l'enfant traînera toute sa vie), l'augmentation de la pression artérielle, la glycémie, le cholestérol, et en favorisant la solidité des os et la force musculaire. «Les acquis cardio-vasculaires se font jusqu'à 18 ou 20 ans , explique le Pr Carré.  Au-delà, on peut bien entendu augmenter ses capacités, mais on n'atteindra jamais les niveaux maximums acquis pendant l'enfance

Les enfants ont beau être plus faciles à surveiller devant la télévision qu'au parc, les parents doivent donc s'efforcer de les faire courir. Sans compter que des enfants qui bougent peu ont toutes les chances de devenir des adultes ne bougeant pas beaucoup plus.