Un juge fédéral d'un tribunal civil de Washington a lundi infligé un revers au programme de surveillance de la NSA, estimant que la collecte de métadonnées du téléphone d'un particulier constituait une "atteinte à la vie privée" et mettant en doute sa constitutionnalité.

Dans une cinglante injonction préliminaire consultée par l'AFP, le juge Richard Leon qualifie la collecte à grande échelle des métadonnées téléphoniques (numéros appelées, durée des appels...) sans feu vert préalable de la justice d'"atteinte à la vie privée".

La technologie qui régit le programme de surveillance est "quasi-orwellienne", s'échauffe-t-il encore. "Il est évident qu'un tel programme empiète" sur les valeurs défendues par le quatrième amendement de la Constitution américaine relatif à la protection de la vie privée, écrit le juge Leon. Et d'interdire "au gouvernement de collecter les métadonnées téléphoniques des comptes Verizon de Larry Klayman et Charles Strange", les plaignants, dans le cadre du programme de la NSA.

Le gouvernement devra également détruire toutes les métadonnées de MM. Klayman et Strange qui ont déjà été collectées. Sollicitée par l'AFP, la NSA n'a pas souhaité réagir.

Dans un premier commentaire relayé par le journaliste Glenn Greenwald, Edward Snowden, à l'origine des révélations sur la NSA, a salué cette décision. "Aujourd'hui, un programme secret autorisé par un tribunal secret, maintenant qu'il est exposé au grand jour, a été jugé comme violant les droits des Américains", a-t-il souligné, dans un communiqué publié par le New York Times. M. Greenwald a lui-même parlé d'une "décision remarquable" lors d'une interview sur MSNBC.

Sécurité nationale et liberté individuelle

Si cette décision est effectivement remarquable de par son caractère inédit, le juge a cependant décidé de renvoyer le dossier vers une cour d'appel qui devra se prononcer sur le fond.

Car le magistrat, prêt à invoquer un amendement de la Constitution, est bien conscient que le dossier transcende sa juridiction et touche à une interrogation fondamentale qui occupait déjà les pères fondateurs au 18e siècle. "Il s'agit du dernier chapitre dans la longue lignée des défis auxquels le pouvoir judiciaire a dû répondre pour ménager la sécurité nationale des États-Unis et les libertés individuelles de nos citoyens", écrit-il.

A l'image de l'Electronic Frontier Foundation (EFF), les associations de défense des libertés individuelles se sont félicitées de la décision du juge Leon. "Elle montre bien que le pouvoir judiciaire examine ce programme (de surveillance) et le juge illégal", a déclaré à l'AFP Kurt Opsahl de l'EFF.

De son côté, l'Union américaine de défense des libertés civiles (ACLU) a dit espérer "que la décision réfléchie du juge Leon contribuera (...) au débat au Congrès concernant les nécessaires réformes permettant de remettre les activités de surveillance de la NSA en conformité avec la Constitution". Le sénateur démocrate Ron Wyden a d'ailleurs salué la décision du juge Leon, estimant qu'elle mettait en relief "le besoin de réformes profondes qui interdiront la collecte en masse des données d'Américains".

C'est au nom de l'atteinte à cette liberté individuelle que nombre d'Américains font part de leur effroi depuis que l'ancien consultant américain Edward Snowden, réfugié depuis en Russie, s'est mis à lever le voile sur les programmes de surveillance de la NSA, dont des étrangers mais aussi des citoyens américains sont la cible.

Prenant la mesure de l'indignation, le président Barack Obama a mandaté un groupe de travail cet été chargé d'explorer des pistes de réflexion pour amender, si ce n'est réformer les programmes de la NSA.

Vendredi, les experts ont remis le fruit de leur travail à la Maison Blanche, qui s'est montrée avare de révélations. Mais, selon des informations relayées par la presse américaine, l'une des 40 recommandations faites à M. Obama constisterait à rendre publiques de nouvelles mesures de protection de la vie privée pour les ressortissants étrangers quand leurs conversations téléphoniques ou sur internet sont surveillées.

Et, s'il s'agit manifestement de rendre plus de "transparentes", selon le mot de Barack Obama, les activités des agences de sécurité, il n'est pas question d'une remise à plat de ces programmes dont la vocation est avant tout de prévenir les menaces terroristes.