Publié par Emmanuel Perrin
Des scientifiques ont réussi à faire rajeunir des muscles de souris en utilisant une molécule naturellement produite par le corps. Une avancée qui alimente les fantasmes de jeunesse éternelle mais qui pourrait surtout servir à lutter contre des pathologies inflammatoires ou celles liées à l’âge.

Est-il possible d'inverser le vieillissement ? De faire perdre à un organe ou à un tissu les 20 dernières années passées ? Bien que cette possibilité semble tout droit sortie d'un film de science-fiction, elle suscite un véritable intérêt chez les chercheurs. Et une équipe de l'université d'Harvard vient d'annoncer une avancée étonnante dans le domaine. Selon l'étude parue dans la revue Cell, le chercheur David Sinclair et ses collègues seraient parvenus à rajeunir un muscle de souris.

Le vieillissement est aujourd'hui considéré comme un processus irréversible. Pourtant, selon les scientifiques américains, certains aspects peuvent être inversés. C'est ce qu'ils sont parvenus à faire durant leurs recherches. Après avoir identifié un mécanisme de vieillissement inconnu jusqu'ici, ils l'ont "simplement" inversé. Leur secret ? Une molécule naturellement produite dans le corps, le NAD ou nicotinamide adénine dinucléotide.

Une molécule source de jeunesse

Cette molécule est présente dans toutes nos cellules et se cache dans les mitochondries, ces organites qui servent à fournir de l'énergie. Le NAD joue un rôle crucial dans les processus cellulaires et notamment dans la production énergétique des mitochondries. Or, les chercheurs ont observé que le taux de ce coenzyme diminue de moitié dans toutes les cellules du corps avec l'âge.

Ceci a pour effet d'entraver le fonctionnement des mitochondries qui se mettent à produire moins d'énergie. Une baisse qui impacte les échanges intervenant entre les mitochondries et le noyau, favorisant alors le vieillissement de la cellule. Mais ce processus n'est pas irréversible, ont montré les chercheurs. Au cours de leur expérience, ils ont constaté que les échanges entre les deux composants pouvaient être rétablis, et les tissus rajeunis, en augmentant les niveaux de NAD.

Des muscles rajeunis

L'expérience a été menée sur des souris âgées de deux ans. Pendant une semaine, les scientifiques ont administré aux rongeurs une substance chimique que leur organisme convertit naturellement en NAD. Ils ont alors découvert que les muscles de ces derniers avaient retrouvé une efficacité musculaire équivalente à celles d'animaux de 6 mois. A l'échelle humaine, cela revient à faire passer un tissu humain de 60 à 20 ans, ont précisé les chercheurs repris par la BBC.

Non seulement les muscles ont retrouvé leurs performances d’antan, mais ils perdaient également moins d’énergie, n’étaient pas résistants à l’insuline et présentaient moins d’inflammations. Seule leur force n’a pas été améliorée, d'après l'étude mais elle pourrait peut-être l'être avec un traitement plus prolongé. "Nous pensons que c'est plutôt une découverte importante", a expliqué le Dr Ana Gomes, de la Harvard Medical School.

Un avis partagé par d'autres chercheurs tels que le Pr Tim Spector, du Kings College de Londres : "il est fascinant de constater que certains aspects du vieillissement sont réversibles". Toutefois, mieux vaut ne pas trop s'emballer : on est encore loin d'être capable de réellement inverser le vieillissement chez l'humain. "La route est encore longue et difficile pour passer de sympathiques expériences sur des souris à montrer de réels effets anti-âge chez les humains et sans effet secondaire", a poursuivi le Pr Spector.

Un processus complexe

De plus, il ne s'agit là que d'un mécanisme unique. En effet, le vieillissement est un processus complexe qui implique de nombreux autres aspects comme le raccourcissement des télomères aux extrémités des chromosomes et des dégâts touchant l'ADN. Des mécanismes qu'on ne sait pas inverser. "Le vieillissement est un processus multifactoriel, ce n'est pas juste un composant qu’on peut réparer, il est donc difficile de le cibler entièrement", a souligné le Dr Gomes.

"Je pense qu'il existe beaucoup d'interactions dans les cellules et que l'énergie y est très importante. Elle semble être un composant très important qui pourrait causer quelques unes des choses liées au vieillissement", a t-elle poursuivi. Néanmoins, la découverte réalisée constitue tout de même une avancée de taille, notamment pour lutter contre les maladies et troubles liés à l'âge. "Nous pensons que cela permettrait aux gens de vivre en bonne santé plus longtemps et d'éviter les maladies liées à l'âge", a indiqué le Pr Sinclair.

Cela pourrait notamment donner naissance à des traitements contre le diabète de type 2, les maladies inflammatoires et même le cancer. "De ce que nous savons aujourd'hui, nous ne pensons pas qu'on doive prendre [ce traitement] de l'âge de 20 ans à la mort. Il semble qu'il soit possible de commencer quand on est déjà âgé mais pas trop quand il y a déjà des dégâts. Si vous commencez à 40 ans, vous obtiendriez probablement une fenêtre de vieillissement un peu plus agréable", a estimé le Dr Gomes. Toutefois, les recherches doivent encore être poursuivies avant de pouvoir mettre au point de tels traitements et surtout de pouvoir mieux comprendre et évaluer le potentiel du co-enzyme à faire rajeunir les cellules. L'équipe souhaite démarrer les essais cliniques en 2015.