Un homme amputé de la main a retrouvé le sens du toucher grâce à une prothèse artificielle expérimentale reliée aux nerfs de son bras, selon les résultats d'un essai clinique publiés, mercredi 5 février, dans la revue scientifique américaine Science Translational Medicine. Des chercheurs suisses, allemands et italiens ont testé cette main bionique à l'hôpital Gemelli de Rome, en Italie, sur un Danois de 36 ans, qui avait dû être amputé du bras gauche neuf ans plus tôt à la suite d'une explosion, survenue alors qu'il manipulait des feux d'artifice. « J'ai pu ressentir des sensations que je n'avais plus ressenties depuis neuf ans », explique ce patient, Dennis Aabo Sorensen.

L'équipe de Silvestro Micera, de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse, a mis au point cette main bionique avec laquelle le patient peut ajuster sa force pour saisir des objets et identifier leur forme et leur texture. Cette prothèse est munie de capteurs capables de réagir à la tension des tendons artificiels, en transformant en impulsions électriques les informations émises quand le patient manipule un objet. Ces signaux convertis en équivalent d'impulsions nerveuses sont transmis aux quatre électrodes greffées sur les nerfs périphériques du bras. « C'est la première fois que nous parvenons à rétablir une perception sensorielle en temps réel avec une prothèse », souligne M. Micera.

Une équipe américaine travaille sur un concept voisin, avec des électrodes, qui dans ce cas sont implantées autour de nerfs spécifiques du bras, et non reliées directement à ces nerfs. L'équipe américaine considère que son approche, moins invasive, comporte moins de risques de dégradation des signaux nerveux.

DE NOUVEAUX ESSAIS CLINIQUES EN PRÉPARATION

L'opération a été réalisée en janvier 2013 à l'hôpital Gemelli de Rome par une équipe de chirurgiens et de neurologues, sous la direction de docteur Paolo Maria Rossini, qui a implanté les électrodes dans le haut du bras gauche de l'amputé. Près de trois semaines de tests ont été nécessaires avant que la prothèse ait pu être branchée aux électrodes par l'équipe de Silvestro Micera.

Après cela, les chercheurs et le patient ont testé la main pendant une semaine. Pour ces tests, le patient avait les yeux bandés et des boules Quiès dans les oreilles. Il ne dépendait ainsi que du sens du toucher, précisent les chercheurs. Les électrodes ont été retirées après un mois, conformément à la législation européenne régissant les essais cliniques. Mais selon ces chercheurs, elles pourraient rester implantées et fonctionner plusieurs années sans endommager les nerfs périphériques.

Il faudra cependant encore attendre quelques années avant que cette main bionique soit commercialisée, explique Stanisa Raspopovic, de l'EPFL, un des auteurs de ces travaux menés dans le cadre du projet européen LifeHand2. « Tout dépendra des prochains essais cliniques », a-t-il dit, sans vouloir préciser le nombre de patients qui en feraient partie. Selon lui, la commercialisation devrait être possible « dans cinq ans au plus tôt et quinze ans au plus tard ».

Selon M. Raspopovic, il est difficile à ce stade d'estimer le prix d'une telle prothèse, mais une production en série devrait faire tomber les coûts. La prochaine étape sera de miniaturiser les composants électroniques pour les intégrer à la prothèse. Il s'agira également de mettre au point une batterie efficace, ajoute Stanisa Raspopovic. Enfin, les scientifiques comptent affiner leur dispositif sensoriel, afin de parvenir à une meilleure résolution du toucher, afin que le patient puisse ressentir les mouvements des doigts de façon plus précise.