Par Damien Mascret - Passer plus de cinq heures par jour assis devant un écran ou un livre augmente de 34 % le risque d'insuffisance cardiaque.

Quelle que soit l'activité physique au travail, plus on passe de temps assis à la maison, plus le cœur s'altère et plus le risque d'insuffisance cardiaque augmente. C'est ce qu'indique une étude de grande envergure publiée ce mois-ci dans la revue internationale Circulation Heart Failure. Le Pr Deborah Rohm Young et ses collègues du département de recherche du géant américain de l'assurance, Kaiser Permanente, suivent depuis une dizaine d'années un groupe de plus de 84.000 hommes, âgés de 45 à 69 ans et vivant en Californie.

C'est la première fois, pour une étude de ce type, que l'on prend le critère de l'insuffisance cardiaque. Cette faiblesse du cœur est notamment responsable d'essoufflement à l'effort et induit un véritable cercle vicieux lorsqu'elle s'installe, car plus on est essoufflé à l'effort et moins l'on a tendance à faire des efforts ; or moins l'on fait d'effort, plus le muscle cardiaque s'affaiblit et plus l'insuffisance cardiaque s'aggrave.

«C'est intéressant d'avoir choisi cette maladie, estime le Pr Jacques Blacher, du Centre de diagnostic et de thérapeutique de l'Hôtel-Dieu (Paris), car il s'agit d'une maladie grave et relativement fréquente. D'ailleurs, dans cette étude, il y avait environ 0,5 % de risque de survenue d'une poussée d'insuffisance cardiaque tous les ans alors que la population était relativement jeune: 58 ans d'âge moyen.» Autre point fort de l'étude californienne, «sa durée et son ampleur», s'enthousiasme le Dr Dylan Thompson, chercheur à l'université de Bath (Angleterre), spécialiste des effets de l'activité physique et sportive sur la santé. «C'est sans nul doute l'une des plus grandes études menées sur le sujet et elle conforte l'idée que l'activité physique et le comportement sédentaire ont des effets distincts sur la santé», ajoute le chercheur anglais.

Il y a tout juste un an, il avait montré l'extraordinaire diversité des profils d'activité physique, grâce à des capteurs sophistiqués qui permettaient de suivre minute par minute pendant une semaine la dépense énergétique de 100 hommes âgés en moyenne de 28 ans. Ainsi, sur les 41 individus ayant une dépense énergétique globale faible et qui auraient sans doute étaient classés comme sédentaires selon les critères habituels, seulement sept d'entre eux étaient réellement sédentaires de façon constante sur la journée. «Bien sûr, il est impossible d'utiliser les mêmes méthodes sur une grande échelle», explique le Dr Thompson.

Néanmoins, dans la cohorte californienne, le Pr Young et ses collègues ont eu l'idée de diviser les groupes en fonction de la quantité d'activité physique intense pratiquée chaque semaine, d'une part, mais aussi selon le temps sédentaire, défini ici comme le nombre d'heures passées chaque jour assis devant un ordinateur, la télévision ou à lire un livre. À l'évidence, le fait de ne prendre en compte que le temps passé assis à la maison est réducteur. «Clairement, remarque le Dr Thompson, pour beaucoup de gens, la plus grande part de la sédentarité a lieu au travail et ils peuvent être très actifs à la maison, alors que pour d'autres qui ont un travail plus physique l'activité peut être très réduite en dehors du travail».

D'un autre côté, en ne considérant que le temps passé assis à la maison, les auteurs mettent en relief un paramètre sur lequel chacun peut avoir un contrôle, ce qui est rarement le cas des conditions de travail. Et les résultats sont éloquents: sur une moyenne de huit années (la durée de l'étude), ceux qui passent plus de cinq heures par jour assis à la maison ont un risque d'insuffisance cardiaque accru de 34 % par rapport à ceux qui le font moins de deux heures par jour.

Le Pr Blacher rappelle toutefois qu'il ne s'agit que d'une étude d'observation et que l'on ne peut donc pas écarter l'hypothèse d'une causalité inverse, «c'est-à-dire le fait que ce ne soit pas l'absence d'activité physique et la présence de loisirs sédentaires qui explique la survenue d'une insuffisance cardiaque, mais l'inverse». Auquel cas, on réduirait son activité physique parce que l'on commencerait à devenir insuffisant cardiaque. Mais cela, il faudra une autre étude pour le savoir.