Par Yves Dauvilliers

Certaines visions ou hallucinations peuvent s'expliquer par des troubles du sommeil, comme la paralysie du sommeil, ou la prise de substances illicites.

Atlantico : Certains relatent avoir vu des Ovnis, ou des fantômes. D'autres prétendent avoir été enlevés par des extraterrestres dans leur sommeil. Au-delà de leur caractère loufoque, quelles sont les explications scientifiques à ces "visions" ? Quels mécanismes neurologiques sont alors à l'œuvre ?

Yves Dauvilliers : Le contenu des rêves est propre à chacun, en fonction de son expérience, de son environnement et de sa personnalité. Les hallucinations au cours du sommeil sont des manifestations fréquentes qui correspondent de 5 à 20% de la population générale, en fonction de leur fréquence et intensité. Les hallucinations peuvent se rencontrer au moment de l’endormissement - elles sont alors appelées hallucinations hypnagogiques - ou au moment du réveil, où on les appelle hypnopompiques.

L’origine de ces hallucinations pendant le sommeil reste mystérieuse mais s’apparente au domaine du rêve. Ces activités oniriques présentes au moment de la transition veille-sommeil ou sommeil-veille seraient vécus par le cerveau encore partiellement éveillé et donc conscient comme des phénomènes hallucinatoires. Ces hallucinations peuvent être d’ordre différent : visuelles, auditives, olfactives et cénesthésiques. Par exemple, certaines hallucinations sont très fréquentes comme l’impression de tomber dans un gouffre à l’endormissement ou une vision kaléidoscopique à la fermeture des yeux au coucher.

Les paralysies du sommeil correspondent à l’irruption de l’absence du tonus musculaire liée au sommeil paradoxal (=sommeil du rêve) pendant la veille. Le sujet est éveillé, conscient et ne peut bouger. A cela s’associent souvent des hallucinations correspondant à la thématique du rêve lui-même. Ce phénomène peut être effrayant, surtout lors des premiers épisodes, car le sujet ne sait comment sortir de cette paralysie… Il ne peut communiquer car il ne peut ni parler ni bouger… Mais il s’en sort en se réveillant globalement souvent grâce à l’aide d’un tiers, ou en se rendormant physiologiquement.

Les faux souvenirs sont des phénomènes bien différents qui peuvent se rencontrer hors du sommeil et parfois lors de phénomènes épileptiques surtout d’origine cérébrale temporale.

Mais comment expliquer que ces personnes se disent persuadées d'avoir réellement vu des extraterrestres ou des fantômes ? Notre cerveau peut-il nous tromper à ce point ?

Ces hallucinations peuvent survenir chez le sujet normal quand elles sont peu fréquentes et souvent peu élaborées. Elles peuvent survenir de façon isolée, mais aussi se rencontrer dans des cadres pathologiques comme la dépression, l’anxiété, les maladies du sommeil comme la narcolepsie, les maladies neurologiques neurodégénératives mais aussi en cas de prise de psychotropes ou de substances illicites.

Toutefois, les sujets au réveil doivent critiquer ces phénomènes hallucinatoires pour les considérer comme faisant partie du domaine du rêve et pas du réel.

Il faut ainsi bien individualiser ces phénomènes hallucinatoires liés au sommeil de ceux rencontrés en veille, que l’on voit souvent dans des maladies psychotiques telles que la schizophrénie. Chez ces patients psychotiques, il n’y a pas de critique des hallucinations qui sont donc considérées comme bien réelles et donc parfois handicapantes voire terrifiantes.

Comme déjà mentionné, Il faut aussi se méfier des troubles de la personnalité sous-jacente,  des croyances exacerbées, ou du coté médiatique au premier plan des révélations rapportées. En effet, les sujets qui rapportent ce genre de phénomène ne le décrivent qu'exceptionnellement au cours du sommeil uniquement.

Ces sujets veulent y croire et s'en persuadent... Et décrivent aussi des phénomènes de type illusion et pas que des hallucinations... La différence est que dans l'illusion la réalité est modifiée, avec une interprétation d'une vision réelle qui se trouve devant le sujet lui même. Dans l’hallucination, il n'y a pas de vision particulière devant le sujet : le sujet "invente"  l'ensemble du phénomène via l'activation de régions cérébrales ciblées et de mécanismes bien différents en fonction de la cause (schizophrénie, épilepsie, activité onirique, prise de toxique, etc.).

En dehors des troubles du sommeil, comment notre cerveau peut-il nous jouer des tours au point de croire avoir croisé des extraterrestres ou des fantômes ?

Encore une fois, le plus important est de savoir si le sujet critique ces phénomènes hallucinatoires, s'ils surviennent bien pendant le sommeil et s'ils sont jugés a postériori comme irréel car faisant partie du domaine de l’onirisme.

Si ces hallucinations sont fréquentes, surviennent en veille et ne sont pas critiqués voire même qu’elles donnent un sens à la vie du sujet, il peut alors s'agir des conséquences d'une prise de substance, d'une maladie mentale telle la schizophrénie ou d'une maladie neurologique neurodégénérative, ou de crises épileptiques surtout d’origine temporale.

Pour finir, la thématique des fantômes et extraterrestres reste toutefois extrêmement rarement rencontrée dans les phénomènes hallucinatoires liés au sommeil, surtout quand cette thématique est unique et récurrente. Il faut aussi se méfier de troubles de la personnalité sous-jacente,  de croyance exacerbée, ou du coté médiatique au premier plan des révélations rapportées.

Vous expliquez que les personnes doivent pouvoir critiquer ces phénomènes hallucinatoires. Est-ce à dire que ceux qui restent intimement persuadés de leur réalité ont un trouble mental sérieux ? Quel genre de trouble ? Comment cela peut-il s'expliquer ?

En l'absence de critique de ces phénomènes, Il faut en effet  se méfier de troubles de la personnalité sous-jacente,  mais aussi parfois de croyances exacerbées en dehors de tout trouble pathologique sous-jacent. Certains sujets ont eu une vision étrange et l’interprètent en fonction de leur vécu et aussi de la pression médiatique... Tous les sujets qui décrivent ces visions n'ont donc pas de troubles mentaux sous-jacents ni des troubles du sommeil ou des troubles neurologiques... Toutefois, en cas de persistance des troubles un avis spécialisé semble justifié.