Source: CNRS

Chez les animaux, les ovocytes, cellules reproductrices femelles, sont arrêtés dans leur cycle de différenciation pendant des mois ou des années, au sein des ovaires. Cette interruption du cycle intéresse les chercheurs depuis plusieurs décennies car il s'agit d'un mécanisme clé de la reproduction. Pourtant, malgré de nombreux travaux, les bases moléculaires de ce phénomène n'étaient pas bien connues. Une équipe du Laboratoire de biologie du développement (CNRS/UPMC) vient de dévoiler l'un des acteurs principaux de cette interruption du cycle. Les chercheurs ont montré, chez un modèle animal, le rôle central d'une protéine appelée ARPP19, laquelle, selon son état de phosphorylation(1), bloque la division des cellules, ou au contraire, l'induit. Ces travaux, qui viennent d'être publiés dans Nature Communications, apportent des informations cruciales sur la maturation des ovocytes et le contrôle de la division cellulaire. En outre, ils pourraient ouvrir de nouvelles pistes en matière de santé humaine.

L'interruption du cycle cellulaire des ovocytes est un phénomène conservé tout au long de l'évolution des animaux. Cet arrêt est essentiel pour la fonction de reproduction. S'il n'a pas lieu, les conséquences sont importantes: la croissance de l'ovocyte n'a pas le temps suffisant pour s'effectuer, produisant des gamètes impropres à la formation d'un embryon ; la cellule peut évoluer en embryon sans fécondation (parthénogenèse) et donner une descendance anormale ou non-viable. Enfin, le potentiel reproducteur de l'ovaire peut aussi s'épuiser rapidement.

Depuis les années 1970, on savait que, chez les vertébrés, l'un des chaînons de la cascade moléculaire permettant cette interruption du cycle était la protéine kinase A (PKA). Sous le contrôle d'un messager chimique, l'AMP cyclique, PKA est responsable de ce blocage. Lorsque, en réponse à un signal hormonal survenant au moment de l'ovulation, son activité baisse, le cycle de différentiation peut reprendre. Cependant, on ne connaissait pas l'étape suivante de la cascade de réactions, à savoir, la protéine sur laquelle agit PKA. Des expériences réalisées sur des ovocytes de xénope, batracien très utilisé dans les recherches sur la reproduction et l'embryologie, ont permis à l'équipe menée par Olivier Haccard de montrer que la cible qui est phosphorylée par PKA est une protéine appelée ARPP19.

Les chercheurs ont montré qu'ARPP19 a un rôle pivot dans le cycle de différenciation des ovocytes. Lorsqu'elle est phosphorylée par PKA, elle interrompt le cycle. Puis, en réponse au signal hormonal de l'ovulation, c'est une autre protéine kinase appelée Greatwall qui à son tour, phosphoryle ARPP19 sur un autre site. Cette réaction a pour effet d'inverser l'action d'ARPP19: d'inhibiteur de la division cellulaire, elle est alors convertie en un activateur essentiel de la division de l'ovocyte.

Ces travaux dévoilent donc une réaction-clé qui contrôle la maturation des ovocytes et donc la reproduction sexuée. La découverte d'une protéine capable, selon son état de phosphorylation, d'interrompre ou au contraire de provoquer la division, ouvre de nombreuses voies pour la compréhension de certaines infertilités féminines, voire même de nouvelles stratégies pour stopper la multiplication anarchique de cellules cancéreuses.

Notes: (1) La phosphorylation est l'addition d'un groupe phosphate à une protéine ou à une petite molécule par une enzyme appelée kinase.