Romain Lescurieux - SCIENCES - Les scientifiques ont travaillé durant sept ans sur le sujet…

Un exploit. Des chercheurs ont fabriqué un chromosome de synthèse, intégré avec succès dans des cellules de levure de bière, l'organisme le plus complexe à avoir subi un tel traitement à ce jour.

Durant sept ans, les dizaines de scientifiques de cette équipe internationale emmenée par Jef Boeke, directeur de l'Institut des systèmes génétiques au centre médical de Langone de l'Université de New York, se sont littéralement livrés à un mécano biologique.

Un chromosome simplifié mais fonctionnel

Après avoir analysé et démonté l'un des 16 chromosomes de levure (Saccharomyces cerevisiae), ils ont assemblé 273.871 paires de base, ces «briques» constitutives de l'ADN qui associent uniquement quatre substances de base désignées par des lettres: l'adénine (A), la thymine (T), la guanine (G) et la cytosine (C).

Résultat: un chromosome dit «eucaryote» (dont le noyau contient le patrimoine génétique, comme pour les végétaux et animaux) simplifié mais parfaitement fonctionnel malgré ses différences avec un chromosome «naturel» de la levure de bière.

Un gène «terminator»?

Grâce à cette technique de «ré-assemblage» génétique présentée dans la revue Science, les scientifiques espèrent pouvoir bricoler rapidement de nouvelles souches de levure synthétiques, «usines vivantes» plus performantes que celles permettant déjà de fabriquer certaines substances: médicament anti-paludéen (artémisinine), hormone anti-inflammatoire (hydrocortisone) ou vaccins, comme celui contre l'hépatite B.

«Maintenant que nous savons mélanger le jeu de cartes du génome, on va regarder si nous pouvons nous constituer une main avec des cartes bien meilleures pour permettre à la levure de survivre dans différentes conditions, à des concentrations d'alcool supérieures par exemple», explique Jef Boeke.

Pour éviter la fuite de ces mutants artificiels, il est toutefois possible de bricoler leur métabolisme pour les rendre dépendants d’aliments non présents dans leur environnement naturel. Des scientifiques envisagent même de programmer l’autodestruction de ces organismes, en les dotant d’un gène «terminator» qui s’activerait au cas où ils s’échapperaient dans l’environnement.

D’où l’idée, lancée par Mme Fioraso voici déjà deux ans, d’une «instance permanente au niveau mondial» chargée de réfléchir à ces questions de biosécurité, comme le fait le collège d’experts du GIEC pour le réchauffement climatique.