Selon une nouvelle étude, un long séjour dans l'espace aurait pour effet de déformer le coeur des astronautes. A cause de la microgravité, l'organe aurait tendance à devenir plus sphérique.

Si voyager dans l'espace est un rêve pour de très nombreuses personnes, c'est loin d'être sans risque et sans conséquence pour l'organisme. Depuis longtemps, les scientifiques ont en effet découvert que séjourner dans l'espace avait toute une série d'effets sur le corps tels qu'une réduction de la masse et de la force des muscles et une fragilisation des os. Aujourd'hui, s'ajoute à cette liste un nouvel effet : un séjour dans l'espace aurait tendance à déformer le coeur.

Cette découverte a été réalisée par des chercheurs américains qui ont mené une étude sur 12 astronautes ayant voyagé dans l'espace. L'équipe a entrainé les astronautes à prendre des images de leur coeur en utilisant une machine à ultrasons installée dans la Station spatiale internationale (ISS). Avant, durant et après leur vol, les chercheurs ont ainsi pu collecter de nombreuses données sur la santé cardiaque des 12 sujets.

10% plus rond

A partir de ces résultats, ils ont constaté que le cœur des astronautes avait tendance à devenir plus sphérique, se montrant 9,4% plus rond qu'un organe normal. Cette déformation serait due à la microgravité qui modifie la circulation sanguine dans l'organisme. "Le coeur ne travaille pas aussi durement dans l'espace, ce qui peut causer une perte de la masse musculaire", a expliqué James Thomas, principal auteur de l'étude cité dans un communiqué.

D'après les chercheurs qui ont présenté leur étude à la conférence annuelle de l'American College of Cardiology à Washington, cette modification n'a été que temporaire. Peu après leur retour, le cœur des astronautes a progressivement repris une forme plus allongée. Toutefois, même temporaire, cette déformation pourrait avoir "de sérieuses conséquences après le retour sur Terre", a indiqué James Thomas. L'impact pourrait même être d'autant plus important que le séjour est long.

Cette découverte constitue ainsi un pas important pour envisager les conséquences d'un éventuel voyage vers la planète Mars, un voyage qui demanderait au moins 18 mois de périple dans l'espace. En comparaison, les astronautes passent aujourd'hui cinq à six mois dans l'ISS. "Nous étudions si des mesures peuvent être prises pour prévenir ou contrebalancer cette perte", a poursuivi le chercheur.

Réduire les effets de la microgravité

Dans l'espace, les astronautes doivent déjà se livrer à des exercices physiques réguliers pour entretenir leur forme et réduire les effets de l'impesanteur. La découverte sur le coeur pourrait alors conduire à la mise au point de nouveaux exercices. Les chercheurs ont indiqué que savoir la quantité et le type d'exercices nécessaires pour garder le cœur en forme va être très important pour garantir la sécurité durant de longs vols comme une mission vers Mars.

Mais la découverte pourrait aussi avoir des implications sur Terre. En effet, avant leur étude, les scientifiques avaient déjà considéré les effets de la microgravité sur le cœur et avaient établi des modèles tentant de prédire les modifications observées sur les astronautes. A l'issue de l'étude, ils ont constaté que la transformation apparue était similaire à celle prédite par les modèles mathématiques, ainsi validés.

Un aperçu sur les pathologies terrestres

D'après les auteurs, ceci pourrait permettre de mieux comprendre les pathologies cardiovasculaires dont souffrent les patients sur Terre. "Les modèles ont prédit les changements que nous avons observés chez les astronautes presque exactement. Cela nous donne de la confiance dans le fait que nous pouvons avancer et commencer à utiliser ces modèles pour des applications cliniquement plus importantes sur Terre", a souligné Thomas.

Par exemple, ils pourraient aider à "prédire ce qui se produit au niveau du cœur lorsqu'il est soumis à différents stress", a t-il précisé. L'équipe travaille désormais à généraliser les modèles pour analyser des pathologies comme les maladies coronariennes, les cardiomyopathies hypertrophiques ou les maladies touchant les valves cardiaques. "Les modèles pourraient nous aider à simuler ces maladies afin de comprendre l'impact sur la fonction cardiaque".

Au cours d'études précédentes, d'autres effets avaient déjà été observés sur le cœur. A leur retour sur Terre, les astronautes ont fréquemment des évanouissements ou des malaises dus à une brusque chute de la pression artérielle lorsqu'ils sont debout. Des troubles du rythme cardiaque ont également déjà été observés. Enfin, les scientifiques soupçonnent que les radiations auxquels sont exposés les astronautes puissent accélérer le risque d'athérosclérose.