Par L'identification de l'action des triglycérides sur la motivation et la recherche de plaisir aidera à mieux comprendre certains comportements et l'obésité.

Pourquoi sommes-nous capables de nous relever la nuit pour manger un morceau de chocolat, mais jamais pour croquer une carotte ? C'est à cette question formulée de façon bien peu scientifique que l'équipe de Serge Luquet du laboratoire Biologie fonctionnelle et adaptative (CNRS/université Paris-Diderot) vient d'apporter une réponse, au moins partielle : les triglycérides, qui sont des corps gras fournis surtout par l'alimentation, pourraient agir dans notre cerveau, directement sur le circuit de la récompense, comme les drogues. Les résultats d'études - menées chez la souris - sont publiés aujourd'hui dans la revue scientifique Molecular Psychiatry.

Manger est en général associé à une notion de plaisir, un sentiment qui nous pousse vers la nourriture. Pour l'organisme, les sucres et les graisses constituent autant de sources d'énergie. Quant au cerveau, il ne consomme que du glucose. Et pourtant, il existe au centre de l'encéphale et au sein du mécanisme de la récompense une enzyme capable de décomposer les triglycérides. Serge Luquet et ses collègues ont mené des travaux chez la souris pour en trouver la raison. Ils rappellent que, si le choix se présente, ce petit rongeur préfère une nourriture riche en graisses à des aliments plus simples.

Pour simuler l'action d'un bon repas, les chercheurs ont développé une approche permettant d'injecter directement vers le cerveau de la souris de faibles quantités de lipides. Ils ont alors observé qu'une perfusion de triglycérides dans le cerveau diminue la motivation de l'animal à actionner un levier pour obtenir une friandise. Quant à son activité physique, elle réduit de moitié. De plus, une souris "perfusée" équilibre sa nourriture entre les deux sources alimentaires proposées (soit riche en graisses, soit produits plus simples).

Activité locomotrice en berne : surpoids garanti

Afin de s'assurer que ce sont bien les lipides injectés qui modifient le comportement des rongeurs, les scientifiques parisiens ont réussi à éliminer l'enzyme spécifique aux triglycérides en réduisant au silence son gène codant, et ce, uniquement au cœur du mécanisme de la récompense. L'animal montre alors une motivation accrue pour obtenir une récompense et, s'il en a le choix, une consommation de nourriture riche nettement supérieure à la moyenne.

Paradoxalement, en cas d'important surpoids, les taux de triglycérides circulant dans le sang et donc dans le cerveau sont plus importants que la moyenne. Or, l'obésité est souvent associée à des comportements de surconsommation d'aliments sucrés et gras. Les chercheurs l'expliquent : en cas de fortes et longues expositions aux triglycérides, la souris affiche toujours une activité locomotrice en berne. Mais l'attirance pour les friandises persiste ! Les conditions idéales sont ainsi réunies pour la prise de poids. Si les taux de triglycérides sont élevés, le cerveau s'adapte donc pour obtenir sa récompense, de façon similaire aux mécanismes observés lors de la consommation de drogues.