Les lipides seraient des "drogues dures" pour le cerveau
Par Benje le dimanche, avril 27 2014, 12:01 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Par Anne Jeanblanc - L'identification de l'action des triglycérides sur la motivation et la recherche de plaisir aidera à mieux comprendre certains comportements et l'obésité.
Pourquoi sommes-nous capables de nous relever la nuit pour manger un
morceau de chocolat, mais jamais pour croquer une carotte ? C'est à
cette question formulée de façon bien peu scientifique que l'équipe de
Serge Luquet du laboratoire Biologie fonctionnelle et adaptative
(CNRS/université Paris-Diderot) vient d'apporter une réponse, au moins
partielle : les triglycérides, qui sont des corps gras fournis surtout
par l'alimentation, pourraient agir dans notre cerveau, directement sur
le circuit de la récompense, comme les drogues. Les résultats d'études -
menées chez la souris - sont publiés aujourd'hui dans la revue
scientifique Molecular Psychiatry. Manger est en général
associé à une notion de plaisir, un sentiment qui nous pousse vers la
nourriture. Pour l'organisme, les sucres et les graisses constituent
autant de sources d'énergie. Quant au cerveau, il ne consomme que du
glucose. Et pourtant, il existe au centre de l'encéphale et au sein du
mécanisme de la récompense une enzyme capable de décomposer les
triglycérides. Serge Luquet et ses collègues ont mené des travaux chez
la souris pour en trouver la raison. Ils rappellent que, si le choix se
présente, ce petit rongeur préfère une nourriture riche en graisses à
des aliments plus simples. Pour simuler l'action d'un bon repas,
les chercheurs ont développé une approche permettant d'injecter
directement vers le cerveau de la souris de faibles quantités de
lipides. Ils ont alors observé qu'une perfusion de triglycérides dans le
cerveau diminue la motivation de l'animal à actionner un levier pour
obtenir une friandise. Quant à son activité physique, elle réduit de
moitié. De plus, une souris "perfusée" équilibre sa nourriture entre les
deux sources alimentaires proposées (soit riche en graisses, soit
produits plus simples). Afin
de s'assurer que ce sont bien les lipides injectés qui modifient le
comportement des rongeurs, les scientifiques parisiens ont réussi à
éliminer l'enzyme spécifique aux triglycérides en réduisant au silence
son gène codant, et ce, uniquement au cœur du mécanisme de la
récompense. L'animal montre alors une motivation accrue pour obtenir une
récompense et, s'il en a le choix, une consommation de nourriture riche
nettement supérieure à la moyenne. Paradoxalement, en cas
d'important surpoids, les taux de triglycérides circulant dans le sang
et donc dans le cerveau sont plus importants que la moyenne. Or,
l'obésité est souvent associée à des comportements de surconsommation
d'aliments sucrés et gras. Les chercheurs l'expliquent : en cas de
fortes et longues expositions aux triglycérides, la souris affiche
toujours une activité locomotrice en berne. Mais l'attirance pour les
friandises persiste ! Les conditions idéales sont ainsi réunies pour la
prise de poids. Si les taux de triglycérides sont élevés, le cerveau
s'adapte donc pour obtenir sa récompense, de façon similaire aux
mécanismes observés lors de la consommation de drogues. Activité locomotrice en berne : surpoids garanti