Source: Jean Hamann - Université Laval

Des bactéries associées aux maladies parodontales peuvent se retrouver dans le liquide amniotique et provoquer des naissances prématurées.

Les femmes qui prévoient avoir un enfant auraient tout intérêt à consulter leur dentiste pour s'assurer qu'elles ne souffrent pas d'une maladie parodontale. De plus, pour mettre toutes les chances de leur côté, elles devraient convaincre leur conjoint d'en faire autant. C'est ce que porte à penser une étude menée par des chercheurs des facultés de Médecine et de Médecine dentaire parue dans le numéro de novembre du Journal of Maternal-Fetal and Neonatal Medicine. Les chercheurs ont établi que des bactéries associées aux maladies parodontales trouvées dans la bouche des mères et de leur conjoint sont exactement les mêmes qui parviennent à s'infiltrer dans le liquide amniotique et, soupçonne-t-on, à causer des naissances prématurées.

De plus en plus d'études établissent des liens entre les maladies parodontales et la prématurité, signale Emmanuel Bujold, professeur à la Faculté de médecine. "Plus la sévérité de la maladie parodontale est élevée, plus les risques de prématurité sont grands", précise-t-il. Le lien entre ces deux problèmes est encore obscur. Il se pourrait que des bactéries buccales associées aux maladies parodontales - ou des composés toxiques ou pro-inflammatoires qu'elles produisent - se rendent au liquide amniotique par voie sanguine. Ces bactéries pourraient aussi faire partie de la flore vaginale de la mère ou encore provenir de la salive du conjoint. Une chose est certaine: des signes d'infection ou d'inflammation intra-amniotique sont détectés dans presque tous les cas d'accouchements survenant avant la 30e semaine de grossesse et la bactérie Fusobacterium nucleatum, impliquée dans les maladies parodontales, y est souvent associée.

Pour faire la lumière sur la provenance exacte de ces bactéries amniotiques, une équipe supervisée par le professeur Bujold a recruté 27 femmes enceintes chez qui les premiers signes de travail sont survenus avant la 35e semaine de grossesse. Une amniocentèse a permis d'établir que Fusobacterium était présent chez trois d'entre elles (11 %). Ces trois femmes présentaient des points communs: agrégats dans le liquide amniotique, accouchement avant la 26e semaine de grossesse et inflammation intra-amniotique.

Des prélèvements buccaux effectués sur ces trois femmes et sur leur conjoint dans les 48 premières heures suivant l'accouchement ont permis d'établir que dans deux cas sur trois la bactérie retrouvée dans la bouche de la mère était génétiquement identique à celle présente dans le liquide amniotique. Chez les deux conjoints qui ont accepté d'être testés, les bactéries buccales étaient, elles aussi, génétiquement identiques à celles du liquide amniotique.

"Nous ne savons pas encore si ces bactéries proviennent de la mère ou si elles sont transmises par le conjoint lors de relations sexuelles", admet le professeur Bujold. Toutefois, l'étude établit clairement que la souche de bactéries qui colonisent le liquide amniotique est la même que celle trouvée dans la bouche des parents. De plus, ces bactéries semblent liées à la formation d'agrégats dans le liquide amniotique."

Le professeur Bujold et ses collaborateurs ont entrepris de jeter plus de lumière sur le lien entre les bactéries buccales, l'invasion microbienne du liquide amniotique et la naissance de grands prématurés. Pour ce faire, ils ont recruté 3 000 femmes enceintes de Québec et de Montréal qui ont accepté de donner un échantillon de salive au moment d'une amniocentèse. Les résultats de cette étude devraient être divulgués d'ici deux ans.

L'article paru dans le Journal of Maternal-Fetal and Neonatal Medicine est signé par Simon Gauthier, Marianne Morand, Fatiha Chandad (Faculté de médecine dentaire), Amélie Tétu, Eric Himaya, Emmanuel Bujold (Faculté de médecine) et Fabien Rallu (U. de Montréal).